dimanche 8 novembre 2020

"S'il existe au monde une foutaise creuse et fausse, c'est la théorie de la noblesse de la naissance et de la pureté du sang, que certains d'entre nous s'efforcent de préserver "

 Le docteur Thorne

Anthony Trollope

Points, 2012.

Sans dot, de naissance illégitime, la belle et fière Mary ne saurait s'unir à celui qu'elle aime, Frank Gresham, un jeune héritier désargenté. Les Ladies de la famille Gresham manœuvrent en coulisse pour le marier à une femme riche afin de sauver le domaine familial hypothéqué. Seul l'oncle de Mary, le docteur Thorne, connaît le secret de son ascendance et la fortune dont elle pourrait hériter si...

Voici un roman que j'ai mis beaucoup de temps à lire. Attaqué en pleine rentrée scolaire, j'ai passé plusieurs semaines à ne lire que quelques pages par jour. 

Je l'attendais depuis des mois ce roman. Ayant eu un coup de cœur énorme pour Miss Mackenzie il y a quelques années, je lorgnais depuis longtemps les autres romans de Trollope et surtout celui-ci avec sa couverture si délicate. Un bon gros pavé classique comme je les aime! Même si j'ai, au final, moins aimé que ce que je pensais, j'ai tout de même apprécié ce texte.

Trollope a une plume très vive. Il dissèque avec brio les relations humaines et la société de son temps. J'ai aimé le franc parler que l'on trouve dans Le docteur Thorne. Trollope parle vrai. Il a le souci du détail et aime aller au bout des choses. C'est vrai que ce texte est un peu bavard et que l'intrigue aurait pu tenir en 200 pages, mais la complexité que Trollope tisse autour de l'histoire accentue sa volonté de réalisme. Il crée un monde. Tout comme Bazac, Trollope invente un univers avec ces personnages qui se croisent d'un roman à l'autre. Un brin maniaque, Trollope veut que tout s'enclenche, s'emboite. Je pense qu'il n'aurait pas supporter de dénouer l'intrigue du Docteur Thorne rapidement. Il fallait que les nœuds se dénouent de façon réaliste, juste, crédible. L'être humain est complexe, la vie également, son roman devait l'être aussi. 

Malgré sa longueur, j'ai aimé me réfugier dans ce texte. L'écriture y est belle. Le ton est exquis. J'ai parfois souri, ri même. J'ai été parfois blessée, révoltée. Le personnage de Mary Thorne est très beau. J'aurais aimé la suivre et la connaître davantage. J'ai aimé les obstinations des protagonistes, mais aussi leurs doutes. 

Un classique de la littérature anglaise à savourer. La cure de Framley m'attend dans ma bibliothèque ... et j'en suis ravie. 

- J'imagine, mon oncle, que, selon vous, nous sommes comme le renard qui a perdu sa queue, ou plutôt comme un renard qui a eu la malchance de naître sans elle.
- Je me demande comment, l'un et l'autre, nous prendrions cela, si nous nous retrouvions riches tout à coup. Ce serait une grande tentation...une tentation difficile à surmonter. Je crains bien, Mary, que lorsque les gens parlent de l'argent avec mépris, ils ressemblent souvent à ton renard sans queue. Si la nature, tout à coup, devait donner une queue à cet animal, n'en serait-il pas plus fier encore que tous les autres renards du bois?
(...)
Il n'a jamais existé de renard privé de queue qui ne serait ravi de se retrouver soudain doté de cet appendice. Jamais. Même si ce renard sans queue s'est montré très sincère dans ses conseils à ses amis! Tous autant que nous sommes, bons et méchants, nous cherchons des queues - nous en cherchons une, ou plusieurs; nous le faisons trop souvent selon des procédés assez méprisables.

(Photos : Romanza2020)

1 commentaire:

Lilly a dit…

Je l'ai et j'ai essayé de le lire il y a quelques mois, mais j'ai eu du mal à m'habituer au style donc j'ai remis ma lecture à plus tard (je crois que j'ai lu "Middlemarch" à la place, ce qui était une riche idée).