dimanche 8 décembre 2013

L'Homme n'est que désir ...

Brûlant secret et autres nouvelles
Stefan Zweig

 France loisirs, 2009.

Comment le désir et la passion, enracinés au fond de chaque être, peuvent le révéler à lui-même et bouleverser son destin : tel est le secret que tentent de percer les quatre récits qui composent ce volume. L'éveil de la jalousie chez un garçon de douze ans, qui a innocemment rapproché sa mère et le jeune vacancier oisif dont l'amitié l'emplissait de fierté ; la dérive nocturne d'un homme qui découvre au contact des voyous et des prostituées une part inconnue de lui-même ; le mystère d'une jeune femme qui se donne sans vouloir révéler son identité; la rivalité de deux soeurs, l'une religieuse et l'autre courtisane : dans des situations très diverses, l'auteur de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme explore avec audace des sentiments troubles et fascinants, témoignant d'une absolue maîtrise de son art de romancier.

Dans ce recueil de quatre nouvelles (Brûlant secret, Conte crépusculaire, La nuit fantastique, Les deux jumelles), Zweig a développé un point de sa personnalité qui, jusqu'à maintenant, m'était que légèrement apparu : sa sensualité. Les quatre nouvelles traitent du désir. Ce dernier est parfois frustré, mais aussi brutal, mystérieux, animal, passionné, dépravé. Nous croisons des personnalités différentes, luttant avec leurs secrets et leurs angoisses, mais qui se retrouvent à un moment de leur vie face à un choix, un doute, une révélation impliquant leurs désirs, leur sensualité, leurs émotions. 
Brûlant secret m'a énormément rappelé Vingt quatre de la vie d'une femme, texte sublime de Zweig. Cette histoire de femme prisonnière de sa vie et de ses devoirs qui se laisse tenter par l'infidélité et le déshonneur est bouleversante. La relation que cette femme entretient avec son fils est complexe, elle remue les tripes, chamboule, déconcerte. Zweig dans toute sa splendeur. 
La seconde, Conte crépusculaire, possède une ambiance particulière. Une femme se livre à un homme la nuit sans jamais dévoiler qui elle est. C'est beau, humain, troublant.
La nuit fantastique est la nouvelle que j'ai trouvé la moins passionnante et pourtant, je pense qu'elle est la plus approfondie. Le héros est assez antipathique. Heureusement, la plume de Zweig, toujours aussi sublime, m'a permise tout de même de me laisser aller dans cette étrange aventure d'une nuit.
La dernière, Les deux jumelles, se dévore. Écrite sous forme de légende, on découvre un Zweig presque grivois, contant les péripéties de deux sœurs peu pudiques. Son but est de divertir et ça marche. 
Comme toujours, j'ai été attrapée. Zweig a su me captiver. Et son écriture! Que dire? Même fatiguée, déconcentrée, la tête ailleurs, il arrivait à m'agripper en trois mots. N'importe laquelle de ses phrases, même lue hors contexte, est un délice de poésie, d'humanité, de psychologie, de sensibilité. Décidément, un grand monsieur. 

" La locomotive fit entendre un rauque sifflement : on était arrivé au Semmering. Pendant une minute les noirs wagons stationnèrent sous la lumière faiblement argentée du ciel ; ils rejetèrent un mélange de personnes et en avalèrent d’autres. Des vois nerveuses résonnèrent çà et là, puis la machine siffla de nouveau et entraîna bruyamment la chaîne sombre des wagons dans la gueule du tunnel. Et la paix recommença à régner sur le vaste paysage aux clairs arrière-plans balayés par le vent humide."
(Brûlant secret, Stefan Zweig, France Loisirs, 2009)

(Source imgae : baudelet.com. Gustave Caillebotte, Femme à sa toilette)

3 commentaires:

Jules a dit…

JE LE VEUX! Je ne connaissais pas, du Zweig sensuel?! Il est sur la liste de Noël!!!

Lili a dit…

J'aime énormément Zweig. Même si tous ces écrits (du moins, tous ceux que j'ai lus jusqu'alors) ne m'ont pas également transportée, j'ai toujours trouvé sa plume virtuose et sa qualité de peindre les psychologies passionnante. Je note donc ce titre : à coup sûr, il me plaira ! Et ton article donne très envie ;)

Karine:) a dit…

J'aime Zweig. Je trouve qu'il y a un souffle extraordinaire dans tout ce qu'il écrit.