Fifi Brindacier
Astrid Lindgren
Livre de poche, jeunesse, 2009.
Avec ses yeux vifs et ses tresses, on pourrait croire que Fifi Brindacier est une petite fille comme les autres. Et pourtant... D'abord, Fifi vit toute seule dans une grande maison avec un cheval et un singe. Ensuite, pour une petite fille, elle est douée d'une force...incroyable! Avec cela, un cœur d'or et une fantaisie sans limite. Pour ses camarades, elle est toujours prête à se dévouer ou à inventer des jeux extraordinaires. Et naturellement, tout le monde adore Fifi Brindacier.
Je suis bien décidée depuis quelques temps à lire les classiques de la littérature de jeunesse que je n'ai pas encore lus. Fifi Brindacier est un titre que j'avais noté depuis un moment. J'ai déjà lu Astrid Lindgren vers 10/11 ans. Il s'agissait de Ronya Fille de brigand. Je ne le recommanderai jamais assez aux jeunes lecteurs. Ce roman m'avait totalement engloutie. J'avais ressenti mes premières vraies émotions de lectrice : tristesse, peur, solitude, deuil, amitié, entraide, ... Il faudrait que je le relise. Ce monde peuplé de nains gris et de brigands est fabuleux. Mettez-le entre les mains de vos enfants! Bref ... Revenons à Fifi.
C'est dans un tout autre style que j'ai retrouvé Astrid Lindgren. L'univers n'est pas sombre comme dans Ronya. Plus léger, plus enfantin, Fifi Brindacier est un roman que tous les enfants adoreront. L'histoire d'une petite fille de 9 ans passant son temps à faire des bêtises ne peut que les passionner. Chapitre après chapitre, on se délecte des péripéties de Fifi. J'ai lu certains passages avec mon fils (de bientôt 3 ans) et il est resté très attentif. Un petit singe, un cheval, un cirque, un pique-nique, ... Il s'en passe des choses dans la vie de Fifi.
En tant qu'adulte, mon regard sur Fifi est allé au-delà de la simple fascination. Les enfants aiment la voir faire n'importe quoi, ils aiment sa force incroyable et son esprit farfelu. Quant à moi, la situation de Fifi m'a rappelé celle de certains enfants que je croise dans mon quotidien. Fifi n'a pas de règles, de cadres, elle a été élevée de façon marginale, loin des convenances de la société. Lorsqu'elle est en contact avec d'autres personnages, elle est aussi fascinante qu'isolée, écartée, dévisagée. Plusieurs scènes montrent que Fifi ne se rend pas compte qu'elle est mal élevée ou différente. Lorsqu'elle saccage une pause thé ou un spectacle de cirque, elle croit bien faire car elle n'a pas les mêmes normes, les mêmes limites que les autres gens. Elle est en décalage permanent. Elle est ravie dans les dernières pages d'assister à un incendie sans se rendre compte que des vies sont en jeu. Certains moments m'ont renvoyé à mon métier où l'on croise beaucoup d'enfants que l'on n'arrive pas à comprendre, qui font, disent, pensent des choses qui nous paraissent incohérentes et que l'on rabroue car ce n'est pas dans l'ordre des choses d'agir ainsi. Comme le fait la maîtresse du village quand Fifi décide d'aller à l'école. Mais Fifi ne peut agir autrement, elle ne comprend pas, ne se rend pas compte qu'elle agit mal car personne ne lui a jamais dit que telle ou telle chose ne se faisait pas. Je me suis mise à la place de Fifi et j'ai compris ce que pouvait ressentir un enfant auquel on disait mille fois par jour (par exemple) "on insulte pas les autres!" mais qui n'a connu que ça autour de lui depuis sa naissance.
Il y a vraiment deux lectures dans ce texte et c'est ce qui le rend riche et intéressant. On a une Fifi fabuleuse, acrobatique, drôle et imaginative mais aussi une Fifi qui ne pourra jamais allée à l'école, qui vivra toujours en marge, sera rejetée par certains et toujours vu comme une bête de foire. On est partagé entre sa liberté, son indépendance, son originalité qui la rend si attachante et sa tristesse de se sentir si décalée face aux autres, son manque de repères et d'équilibre. Cet aspect du livre d'Astrid Lindgren est vraiment frappant et passionnant.
Je vous conseille vraiment de vous plonger dans ce classique enfantin. Vous rirez des réflexions de Fifi et de ses aventures. C'est frais, gai, ça se lit sans faim. Par contre, vous y découvrirez aussi une lecture plus adulte sur la vie d'une enfant marginale et vous vous questionnerez sur l'avenir de ce brin de fille pétillant. Peut-on vivre en marge de la société, sans aucune connaissance des règles et des mœurs? En ouvrant ce texte, je ne pensais vraiment pas me poser autant de questions ...
" Dans la toute petite ville, tout le monde sut rapidement qu'une drôle de petite fille de neuf ans vivait seule à la villa "Drôlederepos". Et les papas et les mamans de la petite ville n'aimait pas du tout, mais alors, pas du tout une chose pareille. Tous les enfants devait avoir quelqu'un qui leur disait ce qu'ils avaient à faire, tous les enfants devaient aller à l'école et apprendre les tables de multiplication. Donc les papas et les mamans de la petite ville décidèrent que la petite fille de la villa "Drôlederepos"devait être immédiatement placée dans un orphelinat, une maison pour enfants. "
(Fifi Brindacier, Astrid Lindgren, Livre de poche, 2009, p37)
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