samedi 29 septembre 2012

L'ombre d'un sari

Le talisman
Vaikom Muhammad Basheer

 Zulma, 2012.

Dès les premiers mots, Basheer subjugue et séduit par un art de conter qui nous plonge sans transition dans les parfums et les couleurs de son Kerala natal - et l'intimité de ses personnages, militants politiques, peintres, poètes ou critiques, amis fidèles, couples heureux, amoureux en déroute, fantômes voluptueux...  

Sur fond de luttes radicales contre l'injustice et les systèmes ancestraux, on est saisi par l'espèce de tutoiement espiègle et tendre, à la vivacité chaleureuse, pour dire la proximité de ces hommes et de ces femmes sous les saris, les dhotis et les turbans, qui font de ce Talisman un bonheur de lecture douze fois renouvelé. «Que la chance vous sourie», aime à conclure le conteur.

Le livre de V.M Basheer nous offre 12 nouvelles pleine de charme. A la fois imprégnées d’auto-dérision mais également profondément tragiques.
Dans Le talisman, un homme se berce d'illusion ... tout comme son chien. Par une nuit de pleine lune nous conte une histoire de revenante. Tankam nous explique ce qu'est le vrai amour. Avec L'empreinte, Basheer parle de la politique de son pays. Le premier baiser est une belle nouvelle délicate à la fin assez ironique. Pour une patte de banane-coq est une histoire bouleversante d'un mariage pourtant banal. Basheer nous conte la pauvreté de son pays dans Au paradis des nigauds. Shashinas est une femme au lourd passé. Nous croisons un étrange peintre solitaire dans La maison vide. Le remède pourrait être un merveilleux scénario pour un film d'Hitchcock. La faim nous montre qu'on peut être affamé d'autre chose que de nourriture. Enfin, Les coeurs accordés évoquent les troubles religieux en Inde. 
J'ai énormément aimé lire les nouvelles de cette belle plume indienne. Il y a beaucoup d'humanité dans ces pages. C'est un regard de père que Basheer pose sur son pays. Un regard tendre, amusé, parfois désespéré mais toujours affectueux et compréhensif. 
Certaines nouvelles m'ont énormément émue. La plus bouleversante pour moi est Pour une patte de banane-coq. Racontée sur un ton ironique et amusé, cette histoire de couple cruelle  m'a mise mal à l'aise durant plusieurs minutes. Le remède m'a également beaucoup attristée. Shashinas, Les coeurs accordés, La faim, ... sont plus poétiques avec toujours un message sur la détresse humaine, la solitude, les contraintes sociales et religieuses. 
Ces 12 nouvelles ont un charme fou. La plume de Basheer est à la fois simple et complexe, drôle et tragique. 
12 histoires d'hommes et de femmes émouvantes ... 

"Les rivalités intercommunautaires, chez nous au Kerala, ne sont que des bouffées de zéphyr en comparaison de ce qui se passe dans le Nord, où un véritable typhon de haine souffle constamment et partout. Hindous, Musulmans et Sikhs s'y comportent comme des bêtes sauvages, se jettent les uns sur les autres, se déchirent à belles dents et se délectent de la mort de leur ennemi. Toute la confiance qui a pu exister un temps entre eux est détruite et leurs cultures ont devenues inconciliables. A croire que la situation n'a pas évolué d'un iota en plusieurs siècles, depuis l'époque où les querelles se réglaient dans le sang. Tueries de vaches, disputes linguistiques, tout est bon pour alimenter le feu du sacrifice que réclame l'expression de leur rivalité." 
(Les coeurs accordés in Le talisman, V.M Basheer, Zulma, 2012, p 195)

(Source image : les5sensselonchristian.typepad.com. Photo de Bruno Morandi)

4 commentaires:

Suzanne a dit…

Tu as titillé vraiment ma curiosité. je note en espérant le trouver sans problème.

Romanza a dit…

Je croise les doigts

Lounima a dit…

J'ai également beaucoup aimé cette lecture. Basheer est un auteur que j'apprécie beaucoup et, comme tu le dis a un regard de "grand-père" sur l'Inde.
Si tu ne les as pas encore lu, je te conseille vivement son recueil "Les murs et autres histoires (d'amour)" ainsi que son court roman "Grand-père avait un éléphant".

Romanza a dit…

Lounima : Je note!!!