La dame en blanc
W.Wilkie Collins
Phébus, Libretto, 1998.
Les Français avaient oublié ce roman, ancêtre de tous les thrillers, qui fascinait Borges et rendit jaloux Dickens (roman publié ici pour la première fois en version intégrale). Il nous révèle une sorte de " Hitchcock de la littérature " : suspens, pièges diaboliquement retors, terreurs intimes, secrètes inconvenances - rien n'y manque. Pourtant le chef-d'oeuvre de Collins n'a jamais cessé d'être dans les pays anglo-saxons un succès populaire : l'un des plus sûrs moyens, en tout cas, d'empêcher l'innocent lecteur de dormir.
Je me suis ré-ga-lée!
La dame en blanc est un roman comme je les aime. Ambiance victorienne, personnages mystérieux et complexes, paysages angoissants, intrigue haletante, secrets de famille, journal intime, lettre anonyme ... Une histoire tout simplement passionnante.
J'ai découvert Wilkie Collins avec le très agréable Hôtel hanté (que je conseille). Avec La dame en blanc, je me rends vraiment compte du talent de ce grand homme. J'ai été en apnée tout le long de ma lecture. Mon emploi du temps chargé m'a empêchée de lire comme je l'aurai voulu et ce fut terrible. Je pensais à La dame en blanc toute la journée et priais pour que les heures défilent plus rapidement afin d'aller retrouver mon roman.
Pourtant La dame en blanc n'est pas sans défauts. Je rejoindrai Lou lorsqu'elle dit que les personnages de Laura et Walter sont bien fades. D'ailleurs, la troisième partie du roman (ce dernier étant divisé en trois époques) m'a moins passionnée que les deux premières. Dès que ce trop gentil Walter prenait la plume, je trouvais que le rythme se ralentissait. Le journal de Mariam est sans aucune hésitation ma partie préférée. J'ai adoré cette femme forte, son audace, ses valeurs, son féminisme. Laura paraît bien insipide aux côtés de son imposante soeur. Quand le journal de Mariam s'est arrêté pour un autre narrateur, j'ai été malheureuse ... Je voulais continuer à lire celle que je considérais désormais comme une amie.
Le dénouement n'est pas difficile à trouver. Je ne pense pas d'ailleurs que l'intérêt principal du roman réside dans cette révélation finale. Le plus intéressant, c'est la manière dont Collins mène son histoire, comment il décrit ses personnages, comment il nous met doucement dans cette ambiance délicieuse. Les pages à Blackwater Park m'ont totalement hypnotisée. Collins a une façon de décrire les scènes clés, les révélations, les passages décisifs qu'ils nous hantent longtemps après leur lecture.
Une lecture vraiment passionnante, des personnages qui ont pris vie devant mes yeux (en particulier Mariam et le comte Fosco ... quel personnage géniallissime!), une atmosphère victorienne parfaite ...
Que du bon ... malgré quelques infimes longueurs vers la fin.
Je n'ai qu'une envie découvrir Pierre de lune que les amoureux de Collins trouve encore meilleur que La dame en blanc.
"Je me retournais vivement, les doigts crispés sur le pommeau de ma canne.
Là, derrière moi, au milieu de la nuit, se tenait une femme, sortie de terre comme par miracle ou bien tombée du ciel. Elle était tout de blanc vêtue et, le visage tendu vers moi d’un air interrogateur et anxieux, elle me montrait de la main la direction de Londres. J’étais bien trop surpris de cette soudaine et étrange apparition pour songer à lui demander ce qu’elle désirait. C’est elle qui parla la première.
Est-ce la route de Londres ?
Je la regardai avec attention, étonné de sa singulière question. Il était alors près d’une heure. Je distinguai au clair de lune un visage jeune, pâle, maigre, fatigué ; de grands yeux au regard grave, des lèvres frémissantes et des cheveux d’un brun doré. Il n’y avait rien de vulgaire ni de grossier dans ses manières ; elle était calme et semblait pleinement maîtresse d’elle-même. Quelque chose en elle évoquait la mélancolie, une certaine méfiance peut-être. Sans avoir l’attitude d’une lady, elle n’avait rien d’une femme de basse extraction. La voix, pour le peu de paroles que j’avais entendues, m’avait parue curieusement éteinte et mécanique, malgré une élocution rapide. Elle tenait à la main un petit sac, et ses vêtements, d’après ce que je pus en juger, n’étaient pas luxueux. Elle était mince, et de taille plutôt supérieure à la moyenne. Sa démarche et ses gestes étaient tout à fait normaux. Ce fut tout ce dont je pus me rendre compte dans la demi-obscurité et dans l’étonnement où me plongeait presque jusqu’à l’étourdissement cette rencontre inattendue, bizarre. Quelle sorte de femme était-ce ? Et comment se trouvait-elle seule, sur la grand-route, en pleine nuit ? J’étais incapable de le deviner. J’étais certain d’une seule chose : l’homme le moins pénétrant ne se serait pas trompé sur le sens de ses paroles, même à cette heure suspecte et en ce lieu désert."
Là, derrière moi, au milieu de la nuit, se tenait une femme, sortie de terre comme par miracle ou bien tombée du ciel. Elle était tout de blanc vêtue et, le visage tendu vers moi d’un air interrogateur et anxieux, elle me montrait de la main la direction de Londres. J’étais bien trop surpris de cette soudaine et étrange apparition pour songer à lui demander ce qu’elle désirait. C’est elle qui parla la première.
Est-ce la route de Londres ?
Je la regardai avec attention, étonné de sa singulière question. Il était alors près d’une heure. Je distinguai au clair de lune un visage jeune, pâle, maigre, fatigué ; de grands yeux au regard grave, des lèvres frémissantes et des cheveux d’un brun doré. Il n’y avait rien de vulgaire ni de grossier dans ses manières ; elle était calme et semblait pleinement maîtresse d’elle-même. Quelque chose en elle évoquait la mélancolie, une certaine méfiance peut-être. Sans avoir l’attitude d’une lady, elle n’avait rien d’une femme de basse extraction. La voix, pour le peu de paroles que j’avais entendues, m’avait parue curieusement éteinte et mécanique, malgré une élocution rapide. Elle tenait à la main un petit sac, et ses vêtements, d’après ce que je pus en juger, n’étaient pas luxueux. Elle était mince, et de taille plutôt supérieure à la moyenne. Sa démarche et ses gestes étaient tout à fait normaux. Ce fut tout ce dont je pus me rendre compte dans la demi-obscurité et dans l’étonnement où me plongeait presque jusqu’à l’étourdissement cette rencontre inattendue, bizarre. Quelle sorte de femme était-ce ? Et comment se trouvait-elle seule, sur la grand-route, en pleine nuit ? J’étais incapable de le deviner. J’étais certain d’une seule chose : l’homme le moins pénétrant ne se serait pas trompé sur le sens de ses paroles, même à cette heure suspecte et en ce lieu désert."
(La dame en blanc, W. Collins, Libretto, 1998, page 24-25)
(Source image : fernand khnopff La dame en blanc. art-memories.com)
1 commentaire:
Et pour une dame en noir je te recommande le roman du même titre qui vient de sortir en français, l'adaptation au ciné suivant le 14 mars... j'ai hâte de voir le film :)
Je t'ai répondu sur mon blog, j'envisage de venir à Bagnères prochainement, j'hésite un peu financièrement comme on a pas mal de frais en ce moment mais j'aimerais bien !
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