dimanche 25 mars 2012

" La mouette a un cri étrange, on ne sait pas si elle pleure ou si elle rit. "

Nina par hasard
Michèle Lesbre

Sabine Wespieser éditeur, 2010.


Nina est apprentie coiffeuse à Roubaix. Sa mère, Susy, travaille dans une des dernières petites usines textiles du nord de la France. Dans l’univers clos de ces deux femmes, les hommes ne sont que des passions ravageuses pour la mère, des pères impossibles pour la fille. 
Avec son premier salaire, Nina a décidé de souhaiter son anniversaire à Susy en l’emmenant au bord de la mer. C’était sans compter avec Delplat, le patron cynique qui tous les vendredis vient « se faire rafraichir » au salon de coiffure, sans compter avec Legendre, le contremaître aux comportements sadiques, ni avec le naufrage des idéaux et des illusions dans le rude monde des adultes. Pourtant les bonheurs fugaces, les bals du dimanche, la belle solidarité des femmes et aussi Arnold, l’ami de Nina (qui lui montre les oiseaux et l'emmène au théâtre où elle rêve à une autre Nina, celle de La mouette), laissent ouvertes les portes d’un ailleurs possible…


J'ai reçu ce court roman en cadeau il y a environ 2 ans. C'est toujours un plaisir sans nom de recevoir un livre ... Mais étrangement, j'ai vite oublié ce roman et l'ai délaissé sur mes étagères. J'étais même persuadée, jusqu'à la semaine dernière, de posséder Le canapé rouge (le roman le plus connu de Michèle Lesbre) et non Nina par hasard. Je n'ai pas d'explications. C'est chose rare chez moi ... pourtant, ça arrive ... comme quoi! 
C'est le Salon du livre qui m'a donnée envie de reprendre le roman "mystère" de Michèle Lesbre dans ma bibliothèque. Je suis allée au salon, comme chaque année, avec une amie. Elle a fait une halte au stand de la magnifique édition Sabine Wespieser. Elle avait entendu parler de Michèle Lesbre et désirait s'offrir un de ses textes. Nous avons discuté avec une des dames tenant le stand. Cette dernière avait une vraie admiration pour les romans de Michèle Lesbre. Elle nous a parlé de chaque titre, c'était passionnant! Rentrée chez moi, je me suis précipitée vers le roman que je possédais. Surprise, il s'agissait de Nina par hasard. 
J'aime cette sensation de faire la connaissance d'une écriture, d'une sensibilité, d'un univers et de se rendre compte qu'une belle et longue histoire commence. J'ai aimé Nina par hasard. Il m'a touchée, m'a parlée, m'a émue. J'ai aimé cette plume simple mais incroyablement sensible. Ce ton entre la joie et la tristesse, entre l'amour des instants simples et la douleur des tragédies silencieuses et quotidiennes. 
Je ne saurai pas trop en réalité ce qui m'a tant plu dans ce texte. C'est quelque chose qui ne s'explique pas. Après le délicieux pavé de Sarah Waters, je ne m'attendais pas à être si enthousiaste après la lecture du petit roman de Michèle Lesbre. Et pourtant. Madame Lesbre parle vrai. Il y a le personnage magnifique de Susy, il y a l'union, l'amour de ces ouvrières prêtes à tout pour garder la tête haute, le doux Arnold, Louise la sensible, ...  Nina par hasard est un roman triste et pourtant, comme le dit si justement la quatrième de couverture, l'amour des moments simples de la vie est bien présent. J'ai aimé le ton doucement nostalgique, les souvenirs de petits instants en apparence anodins de Nina ... 
Un très beau roman ... dont j'ai du mal parler. Cette lecture fut toute personnelle.
Je sais que je vais très rapidement me procurer les autres romans de Michèle Lesbre aux noms devenus si enchanteurs pour moi : La petite trotteuse, Un lac immense et blanc, Sur le sable, .... 
Une belle histoire littéraire vient de commencer.

" La fille est apparue sur la scène, face au public, immobile, sous une colonne de lumière qui la tenait prisonnière. Elle est restée ainsi plusieurs minutes, des minutes qui nous donnaient une sorte de fièvre. Pendant un assez long moment, je n'ai pas entendu une phrase de son monologue. J'étais trop absorbée par cette présence, si seule, si exposée à nos yeux qui la dévoraient. Je l'enviais. J'enviais cette image qui me suffisait presque, qui me faisait penser à mon désir parfois d'être regardée ainsi, comme quelqu'un d'unique, de fragile, dont le mystère devrait émouvoir le monde entier. Je ne pouvais pas me concentrer sur ce qu'elle disait, tout en écoutant les mots comme de la musique. Aussi, sans même prêter une réelle attention aux paroles qu'elle prononçait, sans savoir de quoi il s'agissait, j'étais transportée d'émotion si intense que j'en frissonnais. "
(Nina par hasard, M. Lesbre, S. Wespieser, p79)

(Source image : Willy-Ronis-1938-Rose-Usine-Citroen-greve)

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