J'ai reçu ce roman pour Noël. Je n'en avais jamais entendu parler, je ne connaissais ni l'auteur, ni le sujet. J'ai tout de suite aimé l'édition et la quatrième de couverture. Je me suis plongée dedans ... et je n'en suis ressortie que très difficilement. Ce roman m'a hanté durant toute sa lecture. C'est un livre que l'on ne referme qu'avec regret.
J'aime énormément les romans traitant des pays de l'Est. Qu'il s'agisse de la Russie grandiose et impériale ou de la domination soviétique, ce sujet m'intéresse et m'interpelle. Sofi Oksanen, finlandaise par son père et estonienne par sa mère, parle ici de son pays maternel. Je ne connaissais rien de l'Estonie. J'ai aimé me plonger dans l'histoire de ce petit pays. C'est un roman qui nous apprend des choses. Et j'aime ça! J'en connais un peu plus sur l'Union soviétique, ses horreurs, sur l'Estonie, l'émigration des estoniens, etc ... C'est un livre qui fait grandir!
Certes, le sujet est dur. Certaines scènes sont marquantes, voire traumatisantes. Mais Sofi Oksanen ne tombe jamais dans le voyeurisme. Les scènes dures ne sont pas nombreuses. Il y en a, c'est vrai, les mots choquent, les images bouleversent, mais Sofi Oksanen ne tombe pas dans la surdose de violence. Quelques scènes extrêmement dures nous font prendre conscience des horreurs de la domination soviétique sans pour autant envahir l'intrigue. Même si la vie de Zara à Berlin est écrite de façon crue, le reste du roman ne l'est pas du tout. La captivité d'Aliide et celle de Linda ne sont pas décrites franchement. Ce sont des flashs, des sensations, des révélations après coup, des évocations, des sous-entendus. Sofi Oksanen sait écrire, elle a une plume extrêmement fine et maîtrisée. Le style est fort, profond, parfois métaphorique (l'image de la mouche qui revient sans cesse), fluide, intelligent, à la fois personnel et distant. Un vrai travail d'écriture, un vrai travail d'écrivain.
J'ai aimé les personnages de ce roman. Aliide est très complexe, difficile à cerner et même à aimer. On a parfois du mal à la suivre, à la comprendre, elle nous fait même horreur. Mais elle a ce quelque chose de profondément humain, c'est un être possédant ses doutes, ses peurs, ses angoisses, ses passions, qu'on ne peut que finir par la prendre en pitié (et peut-être même, finit-on par l'aimer un peu). Zara, elle, est merveilleuse, inoubliable, bouleversante. Sa vie nous prend aux tripes, nous laboure le coeur et le corps. On prie pour qu'elle se sauve, se sorte de cet enfer. Et puis, il y a la belle Ingel, Hans, Linda, l'écoeurant Pacha. Que des personnages marquants.
Les chapitres s'enchaînent, les flashbacks se succédent (une construction en puzzle où chaque pièce s'attache petit à petit pour éclairer le passé et le présent), les secrets se révélent (sans jamais tomber dans l'excés de rebondissements, Sofi Oksanen là aussi maîtrise sa plume et son style), certaines scènes stoppent net notre respiration, on est plongé dans ce roman sans pouvoir en sortir.
Vous aurez compris que ce roman m'a totalement conquise. Il est beau, profond, violent, humain, magistralement construit, émouvant, difficile d'en sortir même pour 5 minutes. (Je l'ai terminé hier soir vers 1h30 du matin. Après avoir passé la majorité de la journée et la soirée le nez plongé dedans, Romanzo m'a proposée de regarder un film tous les deux. Je n'ai pas pu refuser. J'ai lâché mon livre à 20 pages de la fin. Supplice! Le film s'est fini vers 1h du matin, je me suis précipitée sur mon roman pour le finir. Je n'aurai pas pu dormir sinon ... )
C'est rare qu'un roman de la littérature contemporaine me convienne totalement. Parfois le style me déplaît, l'intrigue est à mon goût trop maigre ou facile, une fois le livre refermé j'oublie vite les personnages, il manque toujours ce je-ne-sais-quoi qui fait la différence. Pourtant, parfois je tombe sur un petit bijou. C'est arrivé avec Le dieu des petits riens, La petite clôche au son grêle, Le temps où nous chantions, Best love Rosie et quelques autres. Je peux maintenant dire que Purge a une place de choix dans mes coups de coeur. Une vraie découverte! J'ai encore la tête et le coeur plongés dedans ...
" Aliide. Aliide Truu. Les mains de Zara se détachèrent du banc. Aliide Truu était en vie, debout devant elle. Aliide Truu habitait cette maison. La situation était tout aussi étrange que la langue dans la bouche de Zara. Celle-ci se rappelait vaguement comment elle avait repéré la bonne route et les saules pleureurs de la bonne route, mais pas si elle avait vraiment compris qu'elle avait fini par trouver la bonne maison, si elle avait débarqué de nuit à la porte sans savoir que faire, si elle avait pensé attendre le matin, pour épargner aux habitants la peur d'un visiteur nocturne, si elle avait tenté d'aller dormir dans l'écurie, si elle avait glissé un oeil dans la cuisine sans oser frapper à la porte, si elle avait même envisagé de frapper à la porte, si elle avait envisagé quoi que ce soit. "
(Purge, S. Oksanen, Stock, 2010, p31)
(Source image : carrefourdesavantages.com)
3 commentaires:
Ah oui, tu as vraiment aimé, on dirait! Je vais attendre quelques années pour une éventuelle sortie en poche, mais je finirai certainement par le lire!
Je n'ai pas lu tout ton avis parce que j'ai acheté le livre quand j'ai vu que tu le lisais ... en fait je voulais le lire depuis longtemps, puis en le voyant ici j'ai eu un déclic :) Bref tu donnes envie et je reviendrais quand je l'aurais lu !
Il est dans ma LAL après avoir lu d'autres avis tout aussi positifs. Il me tarde de le lire maintenant.
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