lundi 28 juin 2010

" Revivre, les faire revivre "

Le pain noir (L'intégrale)
Georges-Emmanuel Clancier
France loisirs, 2009.


A 7 ans, Cathie gagne son pain comme servante. La guerre de 1870 s'achève ; personne n'a les moyens de nourrir une bouche inutile. Puis, les années filent, avec leur lot d'épreuves et de petits bonheurs. Les générations se succèdent ... La petite Limousine illettrée ne le sait pas encore, mais elle aura un petit-fils écrivain!


Cette édition nous présente les 4 tomes composant la série du Pain noir (intégrale disponible également chez Omnibus). Les 4 tomes séparés sont disponibles d'occasion dans la collection J'ai lu (années 70). Les titres des 4 tomes de cette série sont : Le pain noir ; La fabrique du roi ; Les drapeaux de la ville ; La dernière saison.


Je viens de passer un mois entier (soit 1123 pages) avec Cathie, Francet, Aurélien, Martial, Julie et tous les autres ... et je dois avouer que je me suis régalée.

J'ai connu cette série grâce à une ancienne collègue et amie. Amoureuse des livres comme moi, nous avions souvent de belles discussions passionnées. Un jour, je lui ai demandée quel roman avait le plus marqué sa vie de lectrice. Elle m'a répondue : "La série Le pain noir de Clancier ... Comme j'ai pleuré, enfouie sous mes draps! Je n'oublierai jamais la famille Charron!". Il n'en fallait pas davantage pour me donner envie. Je me suis donc, quelques années après cette discussion avec ma collègue, lancée dans Le pain noir.
Clancier nous conte la vie de Catherine Charron, personnage inspiré de sa grand-mère. De la fin de la guerre de 1870, il nous emmènera jusqu'aux années 50. Cathie connaîtra les beaux jours à la campagne, la misère, les deux guerres mondiales, les premières grèves et les premiers mouvements sociaux, la vie à l'usine, ... Cette vie, bien que simple et pudique, est riche, pleine de joies, de drames, de rires et de pleurs. Sans jamais rentrer dans la tragédie larmoyante, Clancier nous parle avec tendresse de ces personnages si proches de ses ancêtres. On l'écoute comme s'il s'agissait de notre propre histoire. Il la murmure à notre oreille. On se prend à imaginer nos propres grands-parents, nos grands-oncles ... On voit bouger toutes ces figures que l'on aime, souvent, ou que l'on déteste parfois. Dans les dernières pages, le personnage de Pierre (double de Clancier) dit à Cathie, sa grand-mère : "Je voudrais qu'on t'aime, qu'on vous aime, qu'on vous reconnaisse à travers d'autres qui vous ressemblent ... Je voudrais, ceux qui vous ont fait du mal, qu'on les méprise, et avec eux tous ceux qui leur ressemble" (p1120).

Cathie vit comme elle respire, pleinement, passionnément, avec un espoir et une force incroyable. Elle ira jusqu'au bout d'elle-même. C'est bien entendu le personnage qui nous hante le plus. On la suit dès ses 6 ans. On connaît ses doutes, ses craintes, ses peines et ses joies. J'ai aimé la Cathie enfant du tome 1, l'adolescente du tome 2, la jeune femme du 3ème et la femme mûre devenant vieille du dernier tome. Elle a fait partie de moi-même durant 1 mois. Cathie est profondément humaine. On l'aime avec ses faiblesses et ses erreurs. Tous les personnages de ce roman sont extrêmement vivants. J'ai vu chacun d'eux. Ce cher Francet et sa soif de vivre, Julie qui parfois m'énervait, Aurélien qui a été mon chouchou durant toute la série surtout dans les deux premiers tomes (je l'aime d'amour!), le père et la mère touchants, Mariette et sa beauté, le bouleversant Ragemont et tous les autres ...

L'écriture de Clancier est parfaite. Elle est discrète, simple, sensible, intime. Malgré certains moments bouleversants, Clancier n'en rajoute pas. Même dans les scènes de joie. Il aime également prendre son temps, parler des petits riens du quotidien. Une écriture coulante, délicate et vraie. Il écrit de sublimes scènes. Certaines me reviennent en mémoire et j'ai du mal à ne pas être émue. Difficile de me taire sur certains élèments magnifiques de cette série ...

J'ai refermé cet intégrale de coeur gros. J'ai laissé des amis ... ma famille. Les dernières scènes sont si nostalgiques que l'on ne peut s'empêcher de penser aux premières lignes de la série et de notre petite Cathie de 6 ans. J'aime ces romans qui nous donnent la sensation d'avoir vécu une vie entière. On a de tendres souvenirs, des chagrins enfouis, des amours encore présents ... comme s'il s'agissait de notre propre vie.

Cathie est inoubliable. Tout comme Francet, Julie, Marianne, Le père, La mère, Martial, Aubin, Aurélien, Emilienne, Xavier, Pierrot, Toinon, Clothilde, Mariette, Le parrain, Frédéric, Louisette, Amélie, Ragemont, .... et tous les autres!

" Oui, regarde-moi, mon fils, pensait Catherine, regarde, regarde, tu ne me voyais pas, tu ne me voyais plus avant ce nuage noir qui est passé dans tes yeux, et maintenant regarde-moi, regarde mes premières rides, regarde mes mains abîmées par le travail. Ne me trouve pas trop laide, pas trop vieille, pas trop sotte. Ton petit, je suis sûre qu'avant tu le voyais à peine, tu ne découvrais pas cette fleur ou ce ciel dans ses yeux - tu ne savais pas qu'il avait la bouche de ta femme, tu ne savais rien, Frédéric, savais-tu cette fragilité, cette douceur, cet éclat de la peau, sur le visage de ton enfant? Oui, regarde, regarde de tous tes yeux. "

(Le pain noir - L'intégrale, France loisirs, 2009, Tome 4 - La dernière saison, p975)

(Source image : Les glaneurs de Georges Laugée sur georges-laugee.com)

3 commentaires:

Suzanne a dit…

C'est assuré, je vais lire cette série. merci de cet excellent billet.

Anonyme a dit…

Hello ^^ J’ai fais un article bilan, un an après la création du challenge Matilda. Si ça t’intéresse voici le lien pour le lire :

http://raison-et-sentiments.cowblog.fr/matilda-s-contest-un-an-plus-tard-3015122.html

Thalie a dit…

Je lis pour l'instant "Le pain noir"...
Comme vous, je l'ai dévoré. Je suis au tome 4 (livre commencé mi août).
Comme vous, cette famille, je l'ai adoptée.

Beau billet, il donne l'envie de lire...