dimanche 27 décembre 2015

" J'ai perdu un trésor, une sœur et une telle amie que jamais rien ne pourra la surpasser. "

Du fond de mon cœur
Jane Austen

Lettres à ses nièces 


Finitude, 2015.

Inédites et passionnantes, les lettres de Jane Austen à ses trois nièces préférées dressent un portrait émouvant de l’auteur d’Orgueil et Préjugés.
En tante attentionnée, elle se montre toujours prête à guider ses jeunes nièces, à les conseiller. Elle leur parle d’écriture, de stratégie amoureuse, de sa vie à la campagne, avec l’humour et l’élégance qui font le sel de ses romans. Ces lettres révèlent une touchante intimité et on acquiert bien vite la conviction que Jane Austen n’avait rien à envier à ses attachantes héroïnes.


Dieu que c'est bon! Je n'avais pas ouvert de textes de Jane Austen depuis plusieurs années (il s'agissait d'Emma) et ça fait un bien fou de la retrouver. Elle me manquait. 
Du fond de mon cœur réunit quelques unes des lettres de l'écrivain anglaise et c'est un régal. Le seul défaut de ce recueil est son nombre réduit de pages.  La sœur de Jane Austen, Cassandra, ayant détruit plusieurs de ses lettres à sa mort, il ne nous reste malheureusement que très peu de ses missives. J'aurai aimé en lire plus. Mais j'ai tout de même apprécié de découvrir Jane Austen. Non l'écrivain, mais la femme. J'ai retrouvé son humour, son ironie, sa finesse. Non, Jane Austen n'a rien à envier à ses héroïnes. J'ai lu ses lettres comme si elles m'étaient adressées. Jane Austen est devenue une amie. Quand Cassandra prend la plume pour parler du décès de sa sœur, mon cœur s'est serré. 
Dans ces lettres, Jane Austen apparaît comme une femme pleine de gaieté et de joie. Elle est attentive aux autres et donne des conseils à ses nièces sur l'amour et l'écriture. 
" Ta tentative d'attiser tes sentiments en visitant sa chambre m'a extrêmement divertie. La serviette à barbe sale, c'est exquis! Un tel détail se doit d'être publié. Bien trop savoureux pour être perdu. " (p43)
Elle est aussi capable de franchise et de beaucoup de culot. C'est une femme intelligente, cultivée, qui sait penser par elle-même et le revendique. Elle n'hésite pas à critiquer ...
" Demain, ta Grand-Maman souhaite se rendre à Spleen Hill à dos d'âne pour rendre visite aux Mrs Hulberts ; elles n'ont pourtant pas grand intérêt, ni l'une ni l'autre. Selon les nouvelles, leur état se détériore gravement. Loin d'être aussi résistantes que notre vieux baudet. " (p75) 
Ou encore, lorsqu'elle parle d'une amie ayant mis au monde son 18ème enfant : 
" Cette bonne Mrs Deedes! J'espère que tout se passera bien pour sa petite Marianne, et ensuite, je leur recommanderai, à elle et Mr D, de pratiquer ce régime assez simple que nous appelons faire chambre à part. " (p88)
Jane Austen a un discours résolument moderne. Pour elle, se marier et être mère de 20 enfants n'est pas une fatalité. Elle a un regard assez franc et direct sur le mariage. 
J'ai aimé les pages où elle parle de ses romans. Ce sont ses enfants. On sent dans ses mots qu'elle est heureuse et que l'écriture la comble profondément. A la naissance de sa petite nièce, elle écrit à la nouvelle mère :
" Ma chère Anna, De la même façon que je désire faire la connaissance de ta Jemina, je suis certaine que tu apprécieras de faire celle de mon Emma, et j'ai donc grand plaisir à te l'envoyer pour lecture. " (p69) 
Chaque lettre est un petit bonbon délicieux. J'ai dégusté chaque mot. Le beau langage, la bienséance, l'humour, le mordant, on retrouve tout ce qui fait la grandeur des romans de dame Austen. Je n'ai pas eu envie de la quitter. Je n'ai qu'une hâte, celle de découvrir les derniers textes de Jane que je n'ai pas encore lus : Mansfield park, les Juvelinia et ses textes inachevés. 
Ce livre est fait avec amour. Tout se déguste, de la préface aux lettres finales en passant par les annotations, ... Un petit bijou. Un coup de cœur.

Merci à Lou à qui je dois cette découverte. 
" Ma chère Anna, Nous avons été fort diverties par tes trois cahiers, cependant, j'ai un bon nombre de remarques à faire - plus qu'il ne te plaira. Nous ne sommes pas convaincues par la manière dont tu installes, sans aucune motivation particulière, Mrs Fisher comme loctaire et proche voisine d'un homme tel que Sir T. H ; il faudrait qu'elle ait quelque amie vivant dans les alentours qui soit à l'origine de cette décision. Une femme aussi prudente que Mrs Fisher, ayant deux toutes jeunes filles, ne s'aventurerait pas à commettre la maladresse d'emménager dans un quartier où elle ne connaît personne excepté un seul homme, au caractère fort peu respectable qui plus est. Souviens-toi, elle est très prudente ; tu ne peux la laisser agir de façon inconséquente. Invente-lui une amie et laisse celle-ci la faire inviter au Prieuré, ainsi nous n'aurons aucune objection à ce qu'elle dîne là-bas comme elle le fait ; sinon, une femme dans la situation de Mrs Fisher ne s'y rendrait certainement pas avant que d'autres familles lui aient fait auparavant une visite de courtoisie. "(Du fond de mon cœur, Lettre à Anna du 9 septembre 1814, Finitude, p 25)

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