Baby love
Joyce Maynard
10/18, 2014.
Les années 1970, une ville paumée des États-Unis. Filles-mères, Sandy, Tara, Wanda et Jill se racontent : boyfriends lâches ou disparus, potins de magazines, rêves en couleurs, et surtout, maternité. Car leur bébé, c'est leur seule réussite, l'unique preuve de leur importance. Elles le nourrissent, le dorlotent, le déguisent, jouent avec comme à la poupée, le malmènent, aussi. Une vie d'une banalité aussi touchante que terrifiante, jusqu'à l'arrivée de deux femmes meurtries en quête d'enfants, et d'un psychopathe en cavale...
Paru en 1981, ce premier roman tisse un émouvant portrait de femmes prises au piège de leur condition, ainsi qu'une chronique subtile de l'Amérique profonde. Sensible, et captivant.
Après ma laborieuse lecture de Salammbô, j'ai apprécié de lire un roman où les pages défilent sans aucune souffrance, ni ennui. Baby love, sans être parfait, m'a tenue en haleine et captivée. J'ai passé des jours de lecture passionnants. L'Amérique des années 70, ses musiques, ses excès, ses contradictions.
L'histoire de Baby love est totalement addictive. J'ai retrouvé la satire sociale de Joyce Carol Oates que j'aime tant. La sensibilité, la justesse et la finesse d'Oates restent inégalables, mais l'ambiance américaine, les faux semblants, les personnages étouffés sont présents.
J'ai été assez surprise par l'écriture assez crue de Maynard. Baby love parle de sexe, de couples, d'amour, de maternité, d'envie et de frustration dans leurs aspects les plus sombres. Les scènes de sexe en littérature ne m'ont jamais dérangée ... si elles sont justifiées et cohérentes. Certaines remarques et détails sexuels de Maynard ne sont pas toujours nécessaires et j'ai parfois trouvé ce côté là de l'écriture un peu lourd.
Dans les premières pages, j'ai eu peur du nombre de personnages. Malgré un style clair, je craignais que Maynard se perde dans sa propre histoire. Heureusement l'auteur sait où elle va et je me suis vite rendue compte qu'il s'agissait en réalité d'une seule et même histoire. Celle de personnes cherchant le bonheur, luttant avec leurs angoisses. Chacun des personnages féminins représente un aspect de la maternité. Ces hommes et ces femmes enfermés dans leur ville paumée sont touchants ... même si je ne les ai pas toujours compris. Sandy tente d'être une mère parfaite, Tara est fusionnelle avec sa fille et complètement seule, Wanda n'a pas les épaules pour élever son enfant, Jill ne sait comment annoncer sa grossesse à ses parents. Autour de ses quatre filles mères gravitent d'autres femmes, certaines en mal d'enfant, d'autres qui tentent de cicatriser de vieilles blessures. Les hommes, eux, cherchent leur place. Joyce Maynard a parfaitement retranscris l'ambiance ambivalente des années 70 prises entre libération et puritanisme. Les personnages sont tiraillés entre leurs envies et celles de la vieille génération.
J'ai énormément appréhendé les pages parlant de Wanda. J'ai eu du mal à les lire. Elle m'a révoltée, terrifiée autant que bouleversée. Je n'ai pu que penser à mon métier où je suis souvent confrontée à des jeunes mères dépassées. J'ai du reposer le roman par moment pour souffler.
Baby love est parfois un peu cliché dans toutes ses caricatures de mères. Pourtant je le trouve assez juste. En tant que mères, nous avons souvent l'impression de s'inscrire dans un "type"... qu'on le fasse intentionnellement ou que les gens nous cataloguent malgré nous ... L'écolo qui allaite, la working girl qui planifie son accouchement, la mère parfaite, celle qui est toujours en retard et débordée, ... C'est une vision assez réductrice, mais assez réelle. En tant que parents, la société nous colle vite une étiquette.
Un roman qui, malgré ces faiblesses, est une réussite. L’atmosphère de l'Amérique des années 70 est parfaitement rendue et l'histoire est prenante. Baby love est un roman très sombre, parfois difficile à lire, mais je l'ai trouvé pertinent et juste dans ses questionnements.
Un roman à découvrir, une satire perturbante.
" Tout cela avait disparu aujurd'hui, sauf quelque chose qui ne se chante jamais : le simple sentiment d'être à l'abri, tranquille dans son foyer, de savoir qu'il ne se passera rien d'extraordinaire, mais rien non plus d'épouvantable. Être bien ensemble, parfaitement assortis. " Chérie, je suis rentré. "Deux œufs chaque matin, une pile de chaussettes propres ; marcher dans la grande rue, en tenant un petit garçon, chacun par une main. Une tasse de chocolat pendant les soirées d'hiver, et un bas de Noël tricoté à la main avec votre nom en paillettes. "
(Baby love, Joyce Maynard, 10/18, p285/286).
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