vendredi 27 septembre 2013

" En partant, elle a ralenti le tempo de sa vie. "

Muette
Eric Pessan


Albin Michel, 2013.


« La nuit, déjà, et Muette écoute vibrer les insectes, glissée jusqu’au nez dans son sac de couchage. Elle a chaud mais ne peut se résoudre à se découvrir. Dehors, dans le grand monde, des gens courent à sa recherche, elle n’a plus de doute à ce sujet. Elle y est. Elle a grand ouvert les portes de sa vie. »

Par sa maîtrise de la langue au plus près des émotions, des impulsions et des souvenirs d’une jeune fugueuse, Eric Pessan, l’auteur d’Incident de personne, compose un roman envoûtant et d’une rare justesse pour évoquer la mue mystérieuse de l’adolescence.


Lors des premières pages, j'ai trouvé le roman d'Eric Pessan (rentrée littéraire 2013) assez caricatural. Une ado perturbée comme on en voit dans beaucoup de films, de livres, etc ... Même le changement de voix (les paroles des parents de Muette s'incrustent dans le fil de ses pensées) me paraissait "déjà vu", un peu "réchauffé". Mais je me suis vite rendue compte au bout de quelques pages que j'avais tort. Eric Pessan nous offre un beau et perturbant roman. Alors, je ne peux pas dire tout de suite ce qui me restera de ce livre dans quelques mois, mais là, tout de suite, à froid, Muette m'a touchée. Il y a un mélange fascinant de bonheur et de douleur dans ce texte. J'ai aimé suivre Muette dans sa vie simple, tranquille. Ces quelques jours de solitude composés de petits instants reposants m'ont presque donné envie de m'exiler en forêt. Mais ce roman m'a aussi poignardée. Ces phrases des parents de Muette faisant irruption dans la narration, celles que je trouvais banales dans un premier temps, m'ont torturée ... tout comme Muette. Elle vit une douce et lente agonie. Les phrases de ses parents la tuent bien plus sûrement que ne le feraient des coups. J'ai senti son mal. Ce sentiment de ne pas être écoutée, prise au sérieux, humiliée, considérée comme une quantité négligeable, pire comme un caillou dans une chaussure ... j'ai eu beaucoup de mal à le supporter. J'ai eu mal au cœur. Et j'ai été désespérée par les derniers mots. Où elle la solution? Quel moyen existe t-il pour que Muette soit enfin libre et respectée? Ce roman m'a renvoyé à mon quotidien où, dans mon métier, des phrases assassines comme celles des parents de Muette j'en entends dix par jour. Des "phrases-couteaux" que les parents balancent inconsciemment à leur enfant. 
Plus qu'un style ou une qualité d'écriture, ces derniers ne m'ont pas bouleversée, je retiens de ce roman l'histoire d'une jeune fille touchante, la situation tragique d'un être qui meure à petit feu. J'ai été remuée par cette histoire. Je pense que Muette est un personnage qu'il faut connaître.


« Dans un film ce serait une course folle et effrénée, pense Muette, une échappée formidable à travers les champs de maïs, de colza et de tournesols, par les sentiers creux où la boue adhère aux pieds ; le cœur battant, hors d'haleine, elle descendrait le vallon pour courir longtemps dans le lit de la petite rivière, l'eau éclaboussant ses jambes et ses cuisses nues, mouillant son short et son tee-shirt [...] »
(Muette, Eric Pessan, Albin Michel, 2013, p 11)

(Source image : Station La muette à Paris sur watsupmanu.fr)

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