lundi 13 mai 2013

« Quand ils se sont crachés à la figure, ils se débarbouillent avec, pour faire croire qu’ils sont propres. »

Pot-Bouille
Emile Zola

Livre de poche, 1961.

L'histoire d'un immeuble dans le Paris embelli, policé, moralisé, rentabilisé par la révolution haussmannienne. Le propriétaire, les locataires, le terrible concierge, des employés «résignés comme des chevaux de manège», un architecte qui trompe sa femme, deux ou trois femmes hystériques, des gamines vicieuses, des «troupeaux de demoiselles à marier», des thés musicaux : pas de drame mais la ménagerie sociale d'une époque au grand complet, «la pourriture d'une maison bourgeoise, des caves au grenier». Et, derrière le décor «Beaux-Arts» de la façade, le trou infect de la cour où la «rancune de la domesticité» vomit «les ordures cachées des familles». «Toutes les baraques se ressemblent, conclut l'une des bonnes. C'est cochon et compagnie.»

Mon neuvième Rougon-Macquart après : La curée, L'assommoir, Nana, Au bonheur des dames, Germinal, La terreLe rêve et La bête humaine.

Cela faisait plus de deux ans (depuis Germinal) que je n'avais pas ouvert de Zola. Le manque devenait dur à supporter. Lorsque je passe trop de temps sans lire un de mes auteurs chouchous, l'envie se fait soudaine, violente, il faut que j'en ouvre un, tout de suite, maintenant, si bien que je suis incapable de lire autre chose. Le monde de Zola est venu me hanter récemment et je n'ai pas pu faire autrement que d'ouvrir un Rougon-Macquart. Possédant (en plus de ceux déjà lus) La joie de vivre, Une page d'amour et Pot-Bouille, mon choix s'est porté sur ce dernier, ayant adoré Au bonheur des dames, je tenais à connaître les débuts d'Octave Mouret.  
Pot-Bouille traite des vices des maisons bourgeoises, pleines de faux semblants et d'apparences. J'ai trouvé à ce roman des échos à ma lecture récente du Journal d'une femme de chambre de Mirbeau. Comme toujours, je me suis laissée aller dans le monde noir de Zola. D'une nature optimiste et joyeuse, je m'étonne parfois d'aimer à ce point Zola. Pot-Bouille ne nous offre aucun sentiment noble, délicat, dénué d'ambition, de folie ou de corruption. Mais, que voulez-vous, c'est écrit avec tant de génie, d'intelligence, c'est si fouillé, si complexe que je ne peux que plonger totalement dans ses romans. 
Pourtant Pot-Bouille ne vient pas en tête de mon podium Zolien. Certains passages sont assez longs. Moi qui me délecte des interminables descriptions zoliennes ou balzaciennes, j'ai trouvé Pot-Bouille parfois un brin bavard. Alors qu'aucune page du Bonheur des dames, de La terre ou encore de L'assommoir ne m'a parut ennuyeuse, inutile ou en trop, Pot-Bouille m'a parfois laissé ce sentiment. Mais, je vous rassure, je ne parle pas de la majorité du roman. Pot-Bouille se lit vite, il est passionnant et je le compte comme un excellent Rougon-Macquart. Certaines scènes, surtout les dernières (je pense notamment à la faute de Berthe ou encore à cette malheureuse Adèle, seule dans sa chambre), sont époustouflantes, des scènes comme seul Zola sait les écrire. Des images qui nous hantent à vie comme celle d'Etienne dans la mine, la bagarre de Gervaise au lavoir, la scène de violence au début de la La bête humaine, Renée près de la fenêtre à la fin de La curée ... 
J'ai découvert un Octave Mouret bien différent de celui du Bonheur des dames. J'ai été très étonnée de rencontrer un jeune homme avec peu de morale, utilisant les gens (les femmes) comme ça lui chante, les prenant, les jetant, les manipulant. Est-ce vraiment lui qui tombera quelques années plus tard amoureux de la douce et tendre Denise? 
Autre détail (insignifiant pourtant), les scènes où Madame Campardon s'installe dans son lit pour lire Dickens. Un délice! 

Zola restera toujours Zola. Je l'aime. Il reste un de ceux qui m'ont ouvert les portes de la littérature, tout juste adolescente. Alors je lui pardonne mille fois les quelques pages un peu longues de son passionnant et décadent Pot-Bouille.


L'abbé Mauduit, resté un moment seul, au milieu du salon vide, regardait de loin l'écrasement des invités. Son visage gras et fin exprimait une tristesse. Lui qui confessait ces dames et ces demoiselles, les connaissait toutes dans leur chair, comme le docteur Juillerat, et il avait dû finir par ne plus veiller qu'aux apparences, en maître de cérémonie jetant sur cette bourgeoisie gâtée le manteau de la religion, tremblant devant la certitude d'une débâcle finale, le jour où le chancre se montrerait au plein soleil. Parfois, des révoltes le prenaient, dans sa foi ardente et sincère de prêtre. Mais son sourire reparut, il accepta une tasse de thé que Berthe vint lui offrir, causa une minute avec elle pour couvrir de son caractère sacré le scandale de la fenêtre; et il redevenait l'homme du monde, résigné à exiger uniquement une bonne tenue de ces pénitentes qui lui échappaient et qui auraient compromis Dieu."
(Pot-Bouille, Emile Zola, Livre de poche, 1961)

(Source image : larousse.fr)

4 commentaires:

Emily a dit…

J'aime beaucoup Zola moi aussi même si je n'ai lu que deux romans de lui - les deux premiers des Rougon-Macquart. J'ai le projet de les lire dans l'ordre mais la tentation est forte de découvrir cet Octave Mouret dont on parle...

maggie a dit…

même un brin bavard, je sens que je vais aimer ce zola ( jamais été déçue !). Je l'ai dans ma PAL : je veux tous les lire ! Je dois en être à la moitié du cycle !

Lilly a dit…

Je n'ai pas fait de pause zolienne printanière cette année. Je suis sûre que c'est la faute du temps pourri ! J'ai hâte d'en arriver à Pot-Bouille, mais le prochain c'est "Son excellence Eugène Rougon" si je suis l'ordre...

Matilda a dit…

Je n'ai pas lu Le bonheur des dames, c'est donc dans Pot-Bouille que j'ai découvert Octave Mouret et je suis donc bien curieuse de voir comment il va évoluer, parce que là il faut bien avouer qu'il n'est pas franchement sympathique.
Je ne me souviens pas avoir trouvé autant de longueur que toi, sauf les trois derniers chapitres que j'aurais bien raccourcis.
Tout ça me donne envie de lire enfin Au bonheur des dames dis donc :)