Nous étions les Mulvaney
Joyce Carol Oates
La cosmopolite Stock, 2010.
A Mont-Ephraim, petite ville des Etats-Unis située dans l'Etat de New York, vit une famille pas comme les autres : les Mulvaney. Au milieu des animaux, ils cohabitent dans une ferme respirant le bonheur, où les corvées elles-mêmes sont vécues de manière cocasse, offrant ainsi aux autres l'image d'une famille parfaite, comme chacun rêverait d'en avoir. Jusqu'à cette nuit de 1976 où le rêve vire au cauchemar... Une soirée de Saint-Valentin arrosée. Un cavalier douteux. Des souvenirs flous et contradictoires. Le regard des autres qui change. La honte et le rejet. Un drame personnel qui devient un drame familial. En dressant le portrait de la dissolution d'une famille idéale, Joyce Carol Oates épingle l'hypocrisie d'une société où le paraître règne en maître et érige en roi les princes bien pensants ; où un sourire chaleureux cache souvent un secret malheureux ; où il faut se taire, au risque de briser l'éclat du rêve américain.
Je connais Joyce Carol Oates de nom depuis bien longtemps. Pourtant, jusqu'à maintenant je n'avais jamais ouvert un de ses romans. Pourquoi? Parce que d'autres écrivains me tentaient davantage. Mais il y a eu ma rencontre, par hasard, avec Bellefleur. Le propos de ce roman m'a tout de suite tentée, j'ai craqué, je me le suis offert. Mais Bellefleur est paraît-il un Oates assez difficile d'accès. J'ai donc profité de la proposition de lecture commune d'une amie désireuse de lire un roman d'Oates pour m'initier, grâce à un texte plus simple, à l'univers de cette auteure américaine. Notre choix s'est porté sur Nous étions les Mulvaney. C'est donc avec ce roman que s'est fait ma rencontre avec Joyce Carol Oates.
En ce moment, j'ai la main très chanceuse. J'ai enchaîné plusieurs romans délicieux et Nous étions les Mulvaney n'a pas échappé à cette période de chance. Cette première rencontre avec Oates fut un réel bonheur. Cette lecture m'a profondément émue.
Nous étions les Mulvaney fut d'abord la rencontre avec un style tout personnel, unique, particulier. Une écriture toute en finesse, très intime. Oates mêle les points de vue, les émotions, les pensées. Un style à la fois très littéraire et très oral. Les personnages sont si bien décrits, si bien mis en scène que je les ai vu (je le jure) évoluer devant mes yeux, bouger, parler, respirer. J'ai fait la connaissance de Marianne, de Mike, de Corinne et des autres. Je les ai connus.
Je revois surtout Marianne. Ado parfaite avant le "drame" qui ne serait sûrement pas devenue mon amie (les stars du lycée, pompom girls et bonne élève ... très peu pour moi), puis jeune femme perdue, errante, douce, confiante, extrêmement touchante que j'avais envie de prendre dans mes bras comme une enfant. Et aussi le beau Mike junior, l'étrange Patrick, Judd l'oublié, Corinne magnifique dans les premières lignes puis exaspérante avec sa foi et sa passivité inébranlables et Mike père, l'homme blessé, que j'ai autant maudit que plaint. J'ai accompagné ces six personnages dans leur bonheur, comme dans leur détresse, je les ai soutenus, mais je ne les ai pas toujours compris. J'ai fait la route avec eux, pleine d'espoir, pleine de doutes aussi ... J'étais une Mulvaney.
Joyce Carol Oates décrit à merveille, de façon terrible, déchirante, insoutenable, la descente en enfer de cette famille pourtant si heureuse, si soudée. C'est un roman profondément nostalgique où l'on sent la présence du passé, de l'avant, comme un coup de poignard, une aiguille constamment enfoncée dans la chair. La scène finale est là pour nous rappeler tout ce que la famille Mulvaney a perdu en 17 ans ... On a le coeur serré autant de chagrin que de joie.
Un magnifique roman, une lecture "immersion" passionnante.
Une aventure qui démarre entre Joyce Carol Oates et moi et qui se poursuivra sans aucun doute. Je veux de nouveau qu'elle touille mon coeur à la petite cuillère ...
A lire AB-SO-LU-MENT!
PS - Je sens que ce roman fait parti de ceux qui, plus le temps passe, plus ils prennent de la valeur. J'ai refermé ce livre il y a quelques heures et je sens que mon amour pour lui grandit de minute en minute ...
" Corinne s'était mise à pleurer sans bruit, de cette façon Marianne se souvint pour la première fois depuis des années, comme pleurent les mères, silencieusement, en secret, afin de ne pas déranger. Si l'on pleure et que l'on vous entende, on pleure pour être entendu, mais les pleurs d'une mère sont exactement l'inverse, faits pour ne pas être entendus. En cet instant, pourtant, Corinne ne pouvait dissimuler ses larmes à ses enfants adultes. "
(Nous étions les Mulvaney, Oates, Stock, 2010, p 560)
5 commentaires:
Ravie que cette première rencontre avec la plume de dame Oates t'ait plu autant. Tu ne le sais pas mais cette auteure va t'en offrir plein d'autres crois-moi.
Très beau billet.
Pssst de belles pâques gentille dame.
Je n'ai jamais réussi à terminer ce bouquin !
Je n'ai jamais réussi à terminer ce bouquin !
Cette auteure m'enthousiasme ou me déçoit, ça dépend. Mais j'ai bien envie de lire celui-ci.
Je suis conquise par l'univers sombre de oates même si des fois son écriture me paraît particulièrement furieux ! Celui-ci est déjà noté !
Enregistrer un commentaire