Du bout des doigts
Sarah Waters
10/18, 2005.
Londres, 1862. A la veille de ses dix-huit ans, Sue Trinder, l'orpheline de Lant Street, le quartier des voleurs et des receleurs, se voit proposer par un élégant, surnommé Gentleman, d'escroquer une riche héritière. Orpheline elle aussi, cette dernière est élevée dans un lugubre manoir par son oncle, collectionneur de livres d'un genre tout particulier. Enveloppée par une atmosphère saturée de mystère et de passions souterraines, Sue devra déjouer les complots les plus délicieusement cruels, afin de devenir, avec le concours de la belle demoiselle de Briar, une légende parmi les cercles interlopes de la bibliophilie érotique. Héritière moderne de Dickens, mais aussi de Sapho et des Libertins, Sarah Waters nous offre une vision clandestine de l'Angleterre victorienne, un envers du décor où les héroïnes, de mariages secrets en amours interdites, ne se conduisent jamais comme on l'attendrait. Un roman décadent et virtuose.
Inlâchable, addictif, imaginatif.
Je reste sur les fesses (en parlant poliment) devant ce gros pavé incroyablement délicieux.
Même si l'histoire en elle-même (bien que merveilleusement bien imaginées) n'est après tout qu'une histoire tordue de famille, le génie de ce roman est davantage dans la manière dont Sarah Waters nous conte les aventures de Sue et Maud. Elle joue avec nous, avec nos émotions, notre naïveté. C'est tout simplement incroyable!
J'ai entamé ce roman tranquillement. Je suis entrée dans un clan de voleurs dans les bas fonds de Londres. Puis, j'ai assisté à la proposition de Gentleman, un homme assez étrange, d'escroquer une riche héritière. Le plan se met en place, prend forme, avance. Et là ... mon coeur a failli lâcher de surprise. Je ne m'attendais absolument pas à ce coup de théâtre. Pourtant, on le sait. Du bout des doigts est connu pour être surprenant. Et beaucoup d'indices nous sont livrés. Mais on a beau s'y attendre, on est tout de même pris. Je suis restée scotchée. Et à partir de là, impossible de lâcher ce roman. La seconde partie est passionnante. Sarah Waters arrive à nous faire relire des évènements qui ont déjà eu lieu, mais parce qu'ils sont vus d'un autre point de vue, il n'y a aucune répétition, aucun ennui. La troisième partie tout aussi prenante fait froid dans le dos. Quant au dénouement, il est parfait. Je l'ai trouvé sobre, profond et touchant. Après le tsunami émotif que l'on subi durant la lecture, cette conclusion tout en retenue est parfaite.
Je trouve la quatrième de couverture assez mauvaise. Elle pourrait détourner beaucoup de personnes de ce roman, des lecteurs ayant peur de tomber sur un roman digne de La philosophie dans le boudoir. Et c'est bien dommage. Ce roman est beau. C'est une histoire d'amour entre deux coeurs solitaires que tout opposent et pourtant que l'Histoire réunit. Pas de voyeurisme dans ce texte. De la violence, de la cruauté, de l'infamie, de la puanteur, du vice ... oui ... Mais du voyeurisme, jamais.
Les personnages sont tous très complexes. J'ai aimé cette particularité du roman qui rend la frontière entre le Bien et le Mal, l'honnêteté et la fourberie, la gentillesse et la cruauté très floue. Les actes des personnages ne sont pas que purement égoïstes et même si ils le sont, on les excuse quand on en connaît les raisons. Le personnage qui est, au final, le moins surprenant, c'est Gentleman. Il garde la même ligne de conduite durant tout le roman. Je ne citerai pas le nom du personnage qui pour moi est le plus incroyablement bien mené, ça serait trop en révéler, mais les personnes ayant lu le texte sauront de qui je parle ...
Sarah Waters ne cherche pas la simplicité, mais ne tombe pas non plus dans une histoire trop acadabrantesque. Elle a su trouver le juste milieu entre réalisme et rebondissements.
Il est très difficile de parler de ce roman sans rien dévoiler. J'ai, du coup, l'impression de ne parler pour ne rien dire. Je vais donc m'arrêter là et vous conseiller simplement d'ouvrir ce roman. Juste ça! Ouvrez-le! Je pense que vous ne le lâcherez plus.
Un roman tout simplement époustouflant d'imagination ... Une histoire inoubliable qui nous poursuit longtemps après la dernière page tournée.
" Elle n'était après tout qu'une fille comme les autres, même si tout le monde parlait d'elle comme d'une dame. Une fille qui ne savait pas ce que c'était que de s'amuser. Un jour, en rangeant un de ses tiroirs, je découvris un jeu de cartes. C'était apparemment sa mère qui les avait laissées là. Elle, elle connaissait les couleurs, mais c'était bien tout - les valets, pour elle, c'était des écuyers! Je lui enseignai donc un ou deux jeux simples auxquels on jouait au Borough. "
(Du bout des doigts, Sarah Waters, 10/18, 2005, page 132)
(Source image : Pierre Carrier Belleuse "Femme ajustant son corset". arts-lubies.blogspot)
2 commentaires:
Eh bien, quel enthousiasme! Tu es très convaincante!
Je ne l'ai pas encore lu mais il fait partie de ceux que je veux vraiment découvrir !
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