Maggie O'Farrell
Au début de ma lecture, je n'ai pu lire qu'une dizaine de pages de ce roman en quelques jours (la vie faisant), mais lorsque j'ai pu m'y plonger réellement, j'ai eu du mal à le lâcher pour aller travailler. Maggie O'Farrell nous offre un petit roman très agréable et sensible. Un roman d'une grande mélancolie, tragique, bouleversant, mais qui n'est jamais voyeur, indélicat ou brusque.
L'étrange disparition d'Esme Lennox raconte l'histoire de deux soeurs que la société, les bonnes moeurs, les "on-dit" vont détruire. Il y a Esme qui se rattache désespérement au passé, qui essaie d'en recoller les morceaux. Il y a Iris qui agit sans vraiment comprendre, ni même chercher à comprendre, mais qui est poussé par un étrange sentiment. Construit sous forme de puzzle et laissant parler plusieurs voix, Maggie O'Farrell crée un récit palpitant que l'on dévore d'un trait. Pourtant, ce n'est pas un roman à "révélation finale". Les réponses viennent progressivement, naturellement, sans exagérer le suspense ou l'attente. On est tenu en haleine, alors que les révélations sont assez évidentes, vite éclairées. Je pense que c'est une volonté de l'auteur. Cela donne plus de crédibilité, de réel à son histoire. Non ce n'est pas une histoire de famille totalement incroyable, il s'agit plutôt d'une tragédie secrète mais belle et bien concrète, vraie. Esme symbolise toutes ces jeunes femmes qui furent internées parce qu'elles gênaient et ne convenaient pas à la bonne société puritaine.
Maggie O'Farrell a une belle écriture, assez simple mais juste. Je trouve que le plus frappant est sa faculté de rendre les dialogues vivants, mais également certaines de ses scènes en les parsemant de petits détails a priori anodins mais qui augmentent l'idée qu'on s'en fait comme des bruits de fond dans le combiné de téléphone, les pattes du chien qui glissent sur le parquet, ....
Un bon petit roman, très prenant, à l'histoire révoltante et nécessaire. Un roman qui chamboule et qui se dévore.
" Ils allaient quitter le port de Bombay. Le bateau vibrait et gémissait sous leurs pieds et une foule s'attardait sur le quai pour agiter drapeaux et bannières. Esme regardait flotter et claquer au vent son mouchoir tenu entre deux doigts. " A qui dis-tu au revoir? lui demanda Kitty. - A personne. " Esme se tourna vers sa mère. Appuyée au bastingage, près d'elle, elle levait une main pour retenir son chapeau. Sa peau avait un aspect tendu, tiré, ses yeux semblait enfoncés dans leurs orbites. Le poignet qui dépassait de sa manche en dentelle était maigre, le bracelet en or de sa montre trop lâche. Esme eut soudain envie de poser la main sur le poignet de sa mère, de toucher cet os, de glisser un doigt entre la peau et les maillons du bracelet-montre. "
(La disparition d'Esme Lennox, 10/18, 2009, p71 et 72)(Source image : indigoeyes.skynetblogs.be)
7 commentaires:
J'ai découvert ce roman sur la blogosphère, lu et bien aimé, ce n'est pas un GRAND roman mais on passe un excellent moment, je rejoins ton avis
Tu m'as donné envie de le lire et je note de suite le titre et l'auteur =D
Dominique : Merci madame!
Matilda : Laisse-toi tenter!
Ce roman est non seulement bouleversant et magnifiquement construit mais aussi d'une grande finesse et même, à mon avis, fort bien écrit .
Un de mes meilleurs souvenirs de lecture de l'année dernière :-)
Quelle coincidence, ma libraire me parlais justement de ce livre vendredi en me disant qu'il fallait absolument que je le lises... C'est un signe, non ???
Bon je notes alors...
Ce fut un coup de coeur pour moi... j'ai réellement beaucoup aimé.
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