Granny Webster
Caroline Blackwood
Le livre de poche, 2013.
Envoyée en convalescence au bord de la mer chez son arrière grand-mère, une vieille dame acariâtre qui ne se déplace qu’en Rolls, vit comme à l'époque victorienne et évite toute émotion pour ménager son cœur, une jeune fille – qui n’est pas sans rappeler Caroline Blackwood –découvre peu à peu les secrets qui se cachent derrière les rideaux empesés de la luxueuse demeure... La description de cette grande famille irlandaise, avec une tante excentrique et suicidaire, une grand-mère un peu dérangée et une femme de chambre borgne, est d’une réjouissante noirceur.
Voici un texte étrange. Des anecdotes, des bribes d'histoires, ... On se croise, se quitte et se retrouve.
Granny Webster est un roman assez décousu, sans réelle trame narrative. On attend que les pièces du puzzle s’emboîtent, en vain. Ce n'est qu'en filigrane que nous comprenons le lien particulier qui unit les personnages. Pourtant, c'est un beau texte, drôle et cinglant. Chaque chapitre est agréable à lire et prenant, l'ambiance y est envoûtante. L'écriture est originale, elle mêle poésie et ironie avec adresse. On embarque au sein de cette étrange famille pleine de secrets et aux membres atypiques. Les liens entre eux se dénouent, la chute semble inévitable. Granny Webster conte des anecdotes terrifiantes avec légèreté et humour ce qui fait de ce roman un texte particulier, à la fois noir et lumineux. Telle la jeune narratrice franchissant la porte de la vieille maison de Granny Webster, en ouvrant ce roman j'ai plongé dans un autre univers, à la fois attirant et terrifiant ... comme Alice dans le terrier du lapin blanc.
Je pense que c'est un texte qui se digère. Lorsque je l'ai refermé il y a quelques jours, la frustration dominait. Plus le temps passe, plus je me souviens de ce roman avec tendresse. Il me reste une sensation très enveloppante, un souvenir particulier et unique.
Un roman qui ne laisse pas indifférent, tout en nous laissant insatisfait. Avec une qualité d'écriture et une ambiance comme celle de Granny Webster, j'aurai aimé une intrigue plus classique, un nombre de pages plus importants, des détails plus nombreux.
Une étrangeté à découvrir.
"Elle ne peut pas durer longtemps", pensai-je et juste à cet instant j'eus un peu de peine pour elle. Elle avait quelque chose de pathétique, là sur le quai dans ses habits de deuil avec sa colonne vertébrale aussi droite que le dos de la chaise contre lequel elle ne cessait de l'exercer. Des jeunes passaient, le dos voûté, traînant des valises, la bousculant. Elle dirigeait sur eux son habituel regard féroce chargé d'anxiété et de désapprobation mais dans le remue-ménage de la gare, ni sa désapprobation, ni sa supériorité, ni son impeccable maintien ne paraissaient intimider quiconque. En dehors de sa maison tout ce qui faisait sa force donnait l'impression de se muer en fragilité et il semblait qu'il n'y eût que futilité dans sa détermination obstinée à préserver une attitude de grande dame du passé qui aujourd'hui n'avait aucune utilité. "
Granny Webster, Caroline Blackwood, Livre de poche, 2013.
3 commentaires:
Lou me l'a offert il y a quelques années, je ne l'ai toujours pas lu (la honte ! ). Ton billet m'intrigue, je vais peut-être enfin m'y mettre.
Je l'avais en effet découvert à sa sortie en grand format, j'en garde un très bon souvenir ! J'adore ce genre de petits classiques oubliés... La couverture du livre de poche est superbe.
Ton billet, bien qu'en demi-teinte, pique ma curiosité :-) J'aime beaucoup ce que tu écris de ce livre, alors je le note ! Merci !
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