mardi 9 juin 2015

" ... la vie renfermait encore d'infinies possibilités de changement ".

Quatuor d'automne 
Barbara Pym

Petit bac 2015

 10/18, 2003.

" L'embarras règne dans Quatuor d'automne et cerne le quotidien insoupçonné, au fil des saisons, de quatre employés de bureau célibataires, nourris de suppléments photos en couleurs et de café soluble. Deux d'entre eux, la candide, très soignée Letty et la bizarre Marcia, vont prendre leur retraite et donc quitter leurs collègues Norman et Edwin. Ceux-ci les invitent à déjeuner, c'est moins cher. Une occasion, pour Letty, de sortir son tailleur en tweed, mais l'angoisse, pour ces messieurs. De quoi vont-ils parler ? Un roman au goût de papier peint, où l'exactitude de l'observation rivalise avec la grâce un peu tremblée de l'écriture. " Corinne Desarzens

J'avais découvert Barbara Pym avec Des femmes remarquables et j'avais été conquise par son style fin, à la fois drôle et émouvant. Quatuor d'automne m'a tout autant charmée. 
Chez Barbara Pym, il ne se passe pas grand chose. Elle parle de la vie dans sa plus infinie banalité. On croise dans ses romans Monsieur et Madame Tout-le-monde qui n'ont rien d'extraordinaire : "Elle n'avait jamais rougi de lire des romans, mais si elle espérait au début en trouver un qui décrivît le genre de vie qu'elle menait, elle avait fini par se rendre compte que la situation d'une femme célibataire, sans attache et vieillissante, n'offre pas le moindre intérêt pour les auteurs modernes" (p9). Pourtant, Barbara Pym arrive à les rendre intéressants. Tous ses personnages sont vrais. On a beau être passionnés par Anna Karenine, Jane Eyre et Harry Potter, on doit bien avouer que notre vie ressemble davantage à celle de Letty, personnage très attachant de Quatuor d'automne. J'ai aimé cette femme très réservée, exigeante avec elle-même, mais compatissante avec les autres. Maria m'a énormément émue dans son envie d'être choyée, quitte à tomber malade et se faire du mal, mais incapable de demander réellement de l'aide et repoussant toutes les mains tendues. Norman est un râleur qui cache beaucoup d'empathie sous sa carapace. Quant à Edwin, il m'a paru assez fade par rapport aux autres, mais c'est celui qui tentera le plus de garder le contact avec les trois autres collègues. Il sera souvent à l'initiative de rencontres. 
Ce roman est nettement plus sombre et mélancolique que Des femmes remarquables. Barbara Pym traite de la solitude, de la maladie, de la mort. Ces quatre collègues de boulot sont attachants, mais aussi très étranges dans leurs relations ... qui sont d'ailleurs très complexes. Ils passent énormément de temps ensemble, mais semblent à peine se connaître. Barbara Pym reste très vague sur leurs émotions et même sur leurs attirances éventuelles. Quatuor d'automne est très profond. C'est un roman a l'histoire très simple et à l'intrigue presque inexistante, mais qui soulève énormément de questions. 
J'aime la plume de Barbara Pym car elle est profondément modeste. Elle me fait souvent rire, m'attendrit aussi. Avec douceur, naturel et humilité, elle nous conte des bouts de vie, des bouts d'existences banales et leur redonne l'importance qu'elles méritent.
Une jolie plume que je relirai avec plaisir.

" - Qu'allez-vous faire quand vous serez à la retraite? lui avaient demandé les gens, certains parce qu'ils voulaient vraiment savoir, d'autres avec une curiosité malsaine.
Naturellement elle avait répondu par des banalités - qu'il serait agréable de ne pas avoir à se rendre au bureau - qu'elle aurait maintenant le temps de faire toutes les choses dont elle avait toujours eu envies (ces "choses" ne furent pas précisées) - et de lire tous les livres qu'elle n'avait jamais eu le temps de lire jusque là. Middlemarch, Guerre et paix, peut-être même lLe docteur Jivago. "
(Quatuor d'automne, Barbara Pym, 10/18, 2003, p124)


(Image : Hopper)



3 commentaires:

Titine a dit…

J'avais été surprise par la tonalité très mélancolique de Quatuor d'automne. J'avais été très touchée par ses destinées ordinaires peintes avec délicatesse par Barbara Pym.

Claire a dit…

Quel magnifique billet! Comme toi, j'aime la plume de Barbara Pym qui sait parler avec tant de tendresse et de subtilité de gens comme nous.
J'avais lu des femmes remarquables et comme toi, j'avais apprécié ce roman. Pour le mois anglais, je me suis plongée dans Crampton Hodnet qui m'a bien plu (j'essaierai d'en faire un billet).
Mais mon préféré reste le premier que j'ai découvert: Une demoiselle comme il faut. Le plus positif sans doute. Je te le conseille si tu ne le connais pas encore.

FondantOchocolat a dit…

J'ai déjà lu quelques pages de B. Pym sans réellement accrocher ; mais j'ai bien envie de retenter avec celui-ci, du coup !