jeudi 13 décembre 2012

" Je suis ennemie du ballet, que je considère comme un genre faux et absurde, hors du domaine de l'art. "

Ma vie
Isadora Duncan

 Folio, Gallimard, 2011.

Isadora Duncan n'est pas seulement la danseuse dont l'art, la vie et la mort stupéfièrent le monde. Son autobiographie est un livre savoureux, sincère où l'humour et la passion font un mélange acide. Isadora Duncan dit tout sur ses passions artistiques, morales, intellectuelles, et aussi physiques.
Le 14 septembre 1927, sa longue écharpe se prit dans la roue de sa voiture, sur la promenade des Anglais, à Nice, l'étranglant brutalement. Quelques mois plus tôt elle travaillait encore à ce livre.

Je fais de la danse classique depuis bientôt 18 ans. Découvrir la vie de la célèbre danseuse Isadora Duncan m'a beaucoup intéressée. Malgré la pauvreté du style et le caractère peu attachant de l'artiste, j'ai aimé découvrir cette nouvelle conception de la danse et de l'Art. Je me suis beaucoup questionnée à la lecture de cette oeuvre.
Isadora Duncan l'avoue elle-même dans sa préface, elle n'est pas écrivain et ça se sent. Les anecdotes s'enchaînent de façon décousue et il est difficile parfois de trouver le lien entre deux paragraphes. C'est vrai que l'oralité de ce roman donne une certaine fraîcheur, une jolie spontanéité, mais hélas, elle donne aussi un côté lourd et maladroit. Mais pour la défense d'Isadora, elle est décédée tragiquement avant d'avoir pu relire et corriger son texte. Hormis ce style assez bancale, nous plongeons avec délice dans la vie artistique de la fin du XIXème jusqu'au début du XXème siècle. 
Pour Isadora Duncan, la danse doit refléter l'âme. Chaque être humain danse naturellement. Il n'a pas besoin de torturer son corps par un apprentissage inhumain. La danse classique est, pour elle, complètement contre nature. Sans prendre aucun cours de danse, Isadora Duncan devient une danseuse mondialement reconnue. Elle participe à la création de la danse contemporaine. Le passage où elle assiste à une répétition de la célèbre Anna Pavlova est très parlante. A travers ses yeux, on se demande, nous aussi, pourquoi Pavlova se torture ainsi et s'obstine à se dresser sur ses pointes. Est-ce cela la danse de l'âme? : " Pendant trois heures je demeurai assise, au comble de l'étonnement, à suivre les prouesses extraordinaires de Pavlova. Elle semblait avoir un corps d'acier. Son beau visage avait les traits sévères d'une martyre. Elle ne s'arrêta pas un instant. Tout cet entraînement paraissait avoir pour but de séparer complètement les mouvements du corps de ceux de l'âme, mais l'âme ne peut que souffrir, ainsi tenue à l'écart de cette rigoureuse discipline musculaire. C'est juste le contraire de toutes les théories sur lesquelles j'avais fondé mon école, dans laquelle le corps devient transparent et n'est que le truchement de l'âme et de l'esprit" (p 208/209). Je suis une grande passionnée de danse classique et pourtant, j'ai compris sa pensée et j'y ai même parfois adhéré. Mais si nous devons aborder la question de l'esthétisme, alors mon adhésion s'arrête là. J'aime les pensées de Duncan, mais ses danses, non. Je trouve cela inesthétique au possible. Je dois être sadique car je préfère voir Pavlova souffrir sur pointes en dansant la mort du cygne (ici) que les chorégraphies d'Isadora Duncan sur Schubert (ici. Ce n'est pas elle sur la vidéo). Et pourtant ses théories sur la danse m'ont fascinée. 
J'ai été souvent mal à l'aise à la lecture de ce texte car Isadora nous conte son histoire au creux de l'oreille, on ne connaît rien d'elle, c'est elle qui nous apprend tous les détails de sa vie et pourtant, elle ignore une chose que l'on connaît, nous : sa mort. Et quelle mort! Tragique, théâtrale ... comme sa vie. J'ai eu la sensation d'être clairvoyante durant tout le roman. C'est un sentiment étrange. 
Un texte à lire si on aime la danse et l'Art. Une autobiographie maladroite, mais enrichissante. Une personnalité hors du commun à découvrir. 

" Il y a dans ces réunions au coin du feu, avec le thé noir, les tartines de pain beurré, le brouillard jaune au-dehors, et la lenteur civilisée des voix anglaises, un charme qui fait de Londres une ville séduisante, et si j'en avais auparavant deviné l'attrait, je l'aimai profondément à partir de ce jour. Il y avait dans cette maison une atmosphère magique de sécurité et de confort, de culture et de bien-être et j'avoue que je me sentis dans mon élément comme un poisson dans l'eau. La belle bibliothèque m'attirait elle aussi. "
(Ma vie, Isadora Duncan, Folio, 2011, p 72) 

(Source image : thecoloringbookofcemence.blogspot.com)

2 commentaires:

Eimelle a dit…

je crois que c'est un livre qui m'intéresserait bien!

Romanza a dit…

Eimelle : Il est très intéressant c'est vrai malgré des faiblesses certaines.