Le premier amour
Sandor Marai
Challenge Myself 2016
Le livre de poche, 2010.
Dans une petite ville de la province hongroise, un respectable professeur de latin mène une vie terne et solitaire, dénuée de surprise. Lorsqu’il entreprend de tenir son Journal, pour « faire passer le temps », cette apparente tranquillité vole en éclats. Au fur et à mesure qu’il confie les menus faits et gestes de ses journées, des bribes de souvenirs d’enfance lui reviennent, la glace qui recouvrait ses émotions se craquelle, et sa propre vérité surgit enfin. Cette première fêlure en annonce une autre, qui va faire basculer sa vie : un premier amour, violent, tardif, ravageur…
Sandor Marai est un auteur qui m'attire depuis longtemps. Pourtant, notre première rencontre fut en demi-teinte. Lorsque j'ai lu Les mouettes, je n'ai pas été envoûtée. Manque de naturel, une certaine supériorité dans le style, Sandor n'avait pas réussi à me convaincre. J'étais cependant bien décidée à redonner une chance à cet auteur hongrois terriblement tentant. J'ai donc lu Le premier amour. J'ai adoré. Cette histoire étrange, particulière, complexe m'a totalement séduite.
Un professeur de latin nous livre ses émotions, ses questionnements. Profondément seul, il tient un journal pensant contrôler sa vie et maîtriser à la seconde près son emploi du temps. Au fil des pages, nous prenons conscience que cet étrange narrateur est plus torturé que l'on ne croyait. Marqué par la solitude, enfermé dans ses névroses, notre héros nous livre sans s'en rendre véritablement compte le récit de sa chute. Le premier amour nous offre une prouesse d'analyse psychologique. Très complexe, la figure du héros demanderait plusieurs heures de discussions et de réflexions. Nous assistons à la dissection méticuleuse de la solitude et de ses conséquences. Totalement isolé et ne se livrant jamais aux autres, le narrateur ne comprend pas ses émotions, ne sait pas les analyser.
J'ai été totalement emportée par ce récit aux allures de simple journal, celui d'un professeur narrant ses heures de cours et parlant du rapport entretenu avec ses élèves, mais cachant un travail incroyable et une grande finesse d'analyse. J'ai parfois souri des réactions du narrateur, mais j'ai souvent été bousculée, mal à l'aise, pleine d'interrogations. Sandor Marai joue avec nous, tout comme il joue avec son personnage.
Il y a du Zweig pour la profondeur, du Dostoïevski pour la noirceur, mais un style unique, jamais lu jusqu'alors.
Un grand auteur que je relirai très vite.
Un grand roman psychologique à découvrir.
" Une force me contraint à penser à des faits, à des gens qui ne viennent ni d'hier ni d'avant-hier mais d'un monde très ancien, perdu. C'est comme si j'avais oublié les événements de ces dix, vingt dernières années. Comme si toute une série d'images s'était effacée. Des choses et des êtres d'une époque révolue, incroyablement ancienne, se projettent devant moi. Datant d'il y a cinquante ans. De mon enfance.Ces images tourbillonnent. Je n'arrive pas à en saisir une en particulier : elles sont claires et précises mais elles disparaissent aussitôt. "(Le premier amour, Sandor Marai, Le livre de poche, 2010, p77)
(Photos : Romanza2016)
3 commentaires:
Très joli commentaire ! ça valait le temps d'attendre ;-)
Tu me tentes... :-) Il y a quelque chose d'inattendu dans ce roman qui me plairait bien, je pense... Bonne fin de semaine!
Ton billet m'a convaincue de le lire. Une histoire d'homme solitaire qui réfléchit à son passé amoureux devrait beaucoup me plaire ! Du coup, je viens de le réserver à la médiathèque, merci :)
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