mercredi 3 décembre 2014

Une lente agonie ...

La recluse de Wildfell Hall
Anne Brontë

 Phébus, 2008.

Publié en 1848, La Recluse de Wildfell Hall, qui analyse sans concession la place des femmes dans la société victorienne, est considéré comme l'un des tout premiers romans féministes. Ce titre méconnu entretient, comme l'a souligné la critique moderne, de nombreux liens avec Les hauts de Hurlevent d'Emily Brontë. on y retrouve notamment les mêmes thèmes: alcoolisme, violence masculine corruption de l'enfance... Qui est la mystérieuse nouvelle locataire de Wildfell Hall? On ne sait pas d'où vient cette artiste qui se fait appeler Mrs Graham, se dit veuve et vit comme une recluse avec son jeune fils. Son arrivée alimente toutes les rumeurs dans la petite communauté villageoise et éveille l'intérêt puis l'amour d'un cultivateur, Gilbert Markham. La famille de Gilbert. est apposée à cette relation et petit à petit, Gilbert lui-même se met à douter de sa secrète amie. Quel est le drame qu'elle lui cache ? Et pourquoi son voisin, Frederick Lawrence, veille-t-il si jalousement sur elle ?


Je suis une victime de choix pour les auteurs classiques anglais. Je marche à tous les coups. J'ai carrément embarqué dans ce roman et je l'ai baladé partout durant plusieurs semaines. Ayant repris le travail depuis peu de temps, j'ai retrouvé le plaisir de m'isoler et de souffler en ouvrant mon roman ... pour quelques minutes entre deux activités.  
Ceux qui me suivent depuis un moment connaissent mon profond amour pour Jane Eyre. Bien sûr, j'ai nourri une fascination pour les trois sœurs Brontë. Je suis admirative de leur si vive imagination, leur maîtrise de la narration et leur capacité à créer une ambiance unique. Emily m'a fascinée avec Les Hauts de Hurle Vent, Anne, charmée avec Agnes Grey et j'ai bien sûr noté les autres romans de ma chère Charlotte. 
J'avais dans ma bibliothèque depuis longtemps, La recluse de Wildfell Hall, second roman de la plus jeune sœur, Anne. Elle n'a rien à envier à ses deux sœurs. Rien n'égale Jane Eyre pour moi, mais je ne pense pas que le talent soit en jeu. Les romans des sœurs Brontë nous prennent aux tripes et le choix d'un roman ou d'un style préféré est tout en émotion. Il y a les pro-Hurle Vent, les pro-Jane, mais je pense que nous serons tous d'accord pour dire que ces trois sœurs possèdent quelque chose d'unique et de grand.
J'ai retrouvé la force, la puissance des sœurs Brontë dans La recluse de Wildfell Hall. Il y a d'abord cette préface saisissante, très engagée. J'ai été étonnée de voir une Anne, que l'on dit si discrète, aussi vive et rebelle. Un sublime plaidoyer féministe. On s'engage ensuite dans l'histoire et en ce qui me concerne, il n'y a eu aucun temps mort, aucune page de trop, aucune ligne inutile. J'ai été intriguée, puis touchée et émue par l'histoire de Mrs Graham. Ce texte est extrêmement moderne pour l'époque. Anne dénonce la supériorité de l'homme sur son épouse, la soumission de celle-ci, les méfaits de l'alcool et la violence verbale et morale. C'est un roman très dur. Les sœurs Brontë sont très sombres dans leurs écrits. L'histoire de Mrs Graham est difficile, très réaliste et j'ai été étonnée de lire autant de détails sur la cruauté de Mr Huntingdon. J'ai physiquement frissonné en lisant la situation tragique de l'héroïne. Combien de femmes vivaient de telles choses? Et le vivent encore?
La recluse de Wildfell Hall n'a fait que me confirmer ce que je sais déjà. J'aime la littérature classique anglaise. J'aime me plonger dans ces univers si particuliers. J'aime les plumes de ces trois sœurs talentueuses, courageuses, à l'imagination incroyable. Une véritable lecture-immersion.


" C'est moi qui les quittés, dit-elle en souriant. Leur bavardage m'ennuyait mortellement. Rien ne m'épuise autant. Je ne conçois pas comment ils peuvent continuer de la sorte - je ne pus m'empêcher de sourire du sérieux de son étonnement. Ils estiment que toujours parler est un devoir, poursuivit-elle ; ils ne s'arrêtent jamais pour réfléchir, mais se gavent de petits riens sans intérêt et de vains radotages, car les sujets d'intérêt réel leur font défaut. Ou prennent-ils vraiment plaisir à de telles parlotes? "
(La recluse de Wildfell Hall, Anne Brontë, Phébus, 2008, p 85)


(Source image : artrenewal.org. La veuve d'Alfred Stevens)

2 commentaires:

Fleur a dit…

Moi aussi j'aime beaucoup ce qu'ont écrit les soeurs Brontë. Il faut absolument que je lise ce roman, que je ne connais pas !

Lilly a dit…

J'avais trouvé ce livre très intéressant, mais je ne l'ai pas vécu comme "Jane Eyre" ou "Les Hauts de Hurlevent". Mais Anne était sans aucun doute une personne très intéressante.