L'accompagnatrice
Nina Berberova
Actes sud, 1985.
En quelques scènes où l'économie des moyens renforce l'efficacité du trait, Nina Berberova raconte ici les relations d'une soprano issue de la haute société pétersbourgeoise, avec Sonetchka, son accompagnatrice, bâtarde et pauvre ; elle décrit leur exil dans les années qui suivent la révolution d'Octobre, et leur installation à Paris où leur liaison se termine dans le silencieux paroxysme de l'amour et de la haine. Virtuose de l'implicite, Nina Berberova sait tour à tour faire peser sur les rapports de ses personnages l'antagonisme sournois des classes sociales et l'envoûtement de la musique (il y a sur la voix quelques notations inoubliables). Par ce roman serré, violent, subtil, elle fut, en 1985, reçue en France, où elle avait passé plus de vingt ans avant de s'exiler définitivement aux Etats-Unis.
J'aime la littérature russe. Mais je n'ai lu que les grands classiques réputés tels que Guerre et paix, Anna Karenine, L'idiot, ... Je ne connais pas grand chose (voire rien) à la littérature russe plus récente ou plus discrète.
J'ai souvent croisé le petit roman de Nina Berberova. J'aime beaucoup les éditions Actes Sud et cette couverture, à la fois délicate et austère, me tentait beaucoup. J'ai attendu plusieurs années avant de l'ouvrir.
La plume de Nina Berberova m'a rappelé celle de Stefan Zweig. Et ce n'est pas une petite comparaison, car il fait parti des écrivains que j'ai le plus lu et que j’idolâtre. Je ne saurai exactement pourquoi mais j'ai retrouvé chez Berberova cette fine analyse de l'esprit humain que j'aime tant chez Zweig. Les êtres humains sont complexes et Nina Berberova nous le rappelle dans cette histoire profonde et compliquée. Le style est fluide, le texte court, mais pose beaucoup d'interrogations, de questionnements. Nous n'avons que peu de réponses en refermant ce roman. Nous rentrons dans l'intimité d'un trio (une grande cantatrice, sa jeune accompagnatrice et son époux) et nous sommes vite confrontés aux secrets, aux douleurs et aux jalousies.
En peu de pages, Nina Berberova arrive à nous plonger dans son univers. Dès les premières phrases, j'ai été happée par l'histoire de Sonetchka. Les romans courts n'arrivent pas toujours à m'engloutir dans leur monde ... Avec L'accompagnatrice, tout comme avec les courtes nouvelles de Zweig, quelques mots ont suffi pour que la magie opère.
Un roman qui se lit très vite, mais extrêmement fouillé et complexe dans son propos. Nina Berberova se penche sur les tourments du coeur humain. Elle traite ce sujet sensible avec une très grande finesse et beaucoup de pudeur.
Un court texte que je recommande chaudement pour sa qualité d'écriture et son analyse minutieuse des émotions humaines.
" C'est aujourd'hui le premier anniversaire de la mort de maman. Plusieurs fois, à voix haute, j'ai prononcé ce mot : mes lèvres en avaient perdu l'habitude. C'était bizarre et agréable. C'est passé ensuite. Certaines personnes appellent "maman" leur belle-mère, d'autres désignent ainsi la mère de leur mari ; un jour, j'ai entendu un monsieur d'un certain âge appeler "petite maman" sa femme, qui était d'une dizaine d'années plus jeune que lui. Je n'ai eu qu'une seule maman et je n'en aurai jamais d'autre. Elle s'appelait Catherina Vassilievna Antonovskaya. Elle avait trente-sept ans quand je suis née, et je fus son premier et unique enfant. "
(L'accompagnatrice, Nina Berberova, Actes Sud, 1985, p 9)
(Source image : William MERRITT CHASE)
1 commentaire:
Juste cette phrase "La plume de Nina Berberova m'a rappelé celle de Stefan Zweig." m'a donné envie de noter le titre, le reste de ton billet m'en a convaincu.
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