samedi 12 janvier 2013

" Je suis pauvre, je suis noire, je suis peut-être moche et je fais mal la cuisine ... mais je suis là quand même."

La couleur pourpre
Alice Walker

Pavillons poche, Robert Laffont, 2008.

Dans la grande tradition du roman sudiste, dénonçant l'oppression raciale et sexuelle dont étaient victimes les femmes noires, La Couleur pourpre fait date. Le livre raconte l'histoire de Celie et Nettie, deux sœurs, séparées à l'adolescence mais liées par un amour indéfectible que ne terniront pas les brimades et le mépris, les guerres et l'absence. Celie, mariée enfant à un homme violent, ne reçoit pas les lettres que lui adresse Nettie, devenue missionnaire en Afrique, car son mari les subtilise. Ignorant l'adresse de sa sœur, elle-même envoie ses lettres au bon Dieu. Une correspondance sans espoir de réponse... Une correspondance qui sauvera les deux femmes du désespoir... Ayant découvert l'amour dans les bras d'une amie de son mari, Celie parviendra-t-elle à se libérer de sa tragique condition ? C'est tout le sujet de ce roman poignant, mais d'où l'humour n'est pas absent, et qui fit assez sensation à sa parution pour obtenir les deux principaux prix littéraires américains, le Pulitzer et l'American Book Award, en 1983. Puis pour être ensuite porté à l'écran par Steven Spielberg avec le retentissement que l'on sait.

Quel beau roman!
La couleur pourpre, c'est une histoire contée au creux de l'oreille. L'histoire d'hommes et de femmes qui se battent pour survivre malgré leurs peurs, leurs faiblesses, leurs préjugés et leur haine. L'histoire de deux soeurs qui se sauveront du désespoir par la force de leur amour et de la confiance absolue qu'elles ont l'une pour l'autre. J'ai vécu La couleur pourpre, j'ai suivi Célie et Nettie. Je les ai aimées. Elles m'ont prises par la main et m'ont contée leur si émouvante histoire. Et elle était là, bien présente sur ma joue, la petite larme d'émotion, en lisant la toute dernière phrase de ce roman.  C'est beau, c'est fort, à la fois drôle et dur, violent comme un coup de poignard en plein coeur mais également doux comme le chant d'un oiseau. J'ai souri, j'ai pleuré, j'ai tremblé, j'ai haï, j'ai aimé, j'ai lutté, j'ai baissé les bras ... Chaque page m'a apportée un flot d'émotions incontrôlable. Je n'ai pas lu l'histoire de Célie et Nettie, je les ai amenées avec moi à chaque moment de ma journée, elles ont fait parties de moi, j'étais avec elle, elles étaient avec moi. 
Ce qui bouleverse tant, c'est qu'il ne s'agit pas d'une lecture uniquement dure sur la condition des femmes et des Noirs aux Etats-Unis. Alice Walker aurait pu s'arrêter à une histoire violente, insoutenable, à des histories de lynchages (et Dieu sait qu'il y a du en avoir), de viols et j'en passe, qui aurait été un témoignage fort et marquant certes, mais également un brin voyeur. Alice Walker nous raconte au final une BELLE histoire, elle laisse place, sans aucune mièvrerie, à l'espoir, à l'amour, à la bonté, à la justice et à l'entraide. Alice Walker est juste, elle parle vraie. Tout n'est pas blanc ou noir. Elle a une jolie écriture qui a pour principale qualité son humanité. C'est son coeur qui parle. C'est un cri d'amour qu'elle pousse. Les idées qu'elle exprime sur Dieu ou la condition des femmes à travers les lèvres de Célie et Nettie, sont profondes, très justes à mon sens et surtout très passionnées : " Dieu n'est pas le même pour nous, après toutes ces années en Afrique. C'est devenu une notion plus spirituelle qu'avant. Plus à l'intérieur de nous-mêmes. La plupart des gens pensent qu'il faut que Dieu ait l'apparence de quelque chose ou de quelqu'un - une Feuille de toit, le Christ -, mais pas nous. Et ne pas être attachés à une apparence quelconque de Dieu nous libère. " (p 302/303). 
J'ai aimé Célie et Nettie de la même manière. La condition effroyable de Célie est bien entendu bouleversante (cette phrase, et tout ce qu'elle peut symboliser, résonne encore dans ma tête : " Personne m'a jamais aimé." p130), mais la vie et le caractère de Nettie m'a autant passionnée. J'ai aimé la suivre en Afrique et la voir changer sa vision du monde, de la vie, de la religion et la voir douter de l'utilité des Missions. Et puis, il y a Shug, Sofia, Harpo, Albert, Olivia, Adam, Samuel, .... 
Un moment de grâce et d'humanité. Un roman que l'on ne lâche pas. Passionnant, bouleversant, intelligent et vrai. 
Une lecture qui me confirme mon intérêt croissant pour la littérature américaine, la littérature sudiste aussi et pour l'Histoire des Noirs américains. Beloved m'attend dans ma bibliothèque, je compte me trouver rapidement La case de l'oncle Tom et découvrir encore de bouleversantes histoires. 

Bref on a parlé de Dieu, mai moi je suis encore un peu perdue dans tout ça. J’essaie de me sortir le vieil homme blanc de la tête. Jusque là ça m’a tellement occupée de penser à lui que j’ai rien remarqué des choses qu’il a crées. Par exemple, un épi de maïs, comment il a pu faire ça ? Et la couleur pourpre, d’où ça peut bien venir ? Les petites fleurs des champs et tout. 
Maintenant que mes yeux sont ouverts, je me sens toute bête. Si je compare la méchanceté de Mr ... à côté de n'importe quelle petite plante du jardin, elle paraît plus si importante. Mais pas rien du tout non plus. Shug a raison quand elle dit qu'y faut d'abord chasser l'homme de devant son oeil pour y voir plus clair. "
(La couleur pourpre, A. Walker, Pavillons poche, 2008, p 226/227).

(Source : allocine.fr. Extrait du film de S.Spielberg)

2 commentaires:

valou a dit…

je l'ai lu cette année, le discours m'a plus marqué que celui de "Home" par Toni Morrisson !

Accro Aux Mots a dit…

J'ai vu le film et il m'avait ému ... J'aimerai bien lire le livre et ton avis ne fait que confirmé ça : il faut que je le lise !