Un conte de deux villes (ou Le marquis de Saint Evremont)
Charles Dickens
Edition Marabout
Dans A tale of two cities, paru en 1859, Dickens semble avoir voulu utiliser dans des personnages pleins de vie, dans une action allègre, dans une atmosphère authentique, toutes les impressions, tous les jugements qu'il s'est formés sur la France et sur la Révolution française.
Le pivot de l'intrigue est le marquis de Saint Evremont qui, sous ses trois visages, incarne tour à tour le despotisme, la liberté et le sacrifice héroïque. Dickens, en nous transportant par bonds de Paris à Londres, l'a entouré de nombreux personnages : la douce Lucie, l'émouvant Dr-Manette, l'impitoyable ménage Defarge, l'ombre tragique de Dame Guillotine ...
Je connais Dickens depuis bien longtemps. Pourtant, j'ai ouvert mon premier roman de cet auteur il n'y a que trois années environ. C'était Oliver Twist. Je me souviens que j'avais ressenti des choses bien différentes. J'avais aimé l'ambiance du roman, la plume de Dickens, l'histoire, les personnages, pourtant, j'avais eu une sensation de longueur. Ce roman m'avait paru bien trop lent. J'ai retenté l'expérience avec Un chant de Noël. Je l'avais dévoré et j'avais adoré.
Dickens m'évoque un monstre de la littérature qui m'attire autant qu'il m’impressionne. J'ai terriblement envie de lire Les grands espérances, David Copperfield et même de m'acheter les pléiades pour avoir ses romans introuvables. Mais chaque fois que je suis tentée d'en ouvrir un, la même boule au ventre me saisit. Intimidée? Effrayée? Je ne saurai pas trop expliquer ce qui se passe en moi. Toujours est-il que je n'ai pas pu résister à Fashion lorsqu'elle parle des ses torrents de larmes lorsqu'elle a terminé Un conte de deux villes. Même si par cet avis, Fashion révélait la fin du roman, j'ai voulu que Dickens me frappe en plein coeur moi aussi. Et oui. Il a réussi. Bien que je connaissais le dénouement, j'ai été happée par cette fin incroyable. Mais également par tout le reste du roman.
Le terme crescendo n'a jamais été aussi bien employé que pour qualifier Un conte de deux villes. On entre naïvement dans l'histoire, on ne comprend pas trop où veut nous emmener Dickens, on suit le mouvement, on est même parfois assez sceptique. Puis d'un coup, sans s'y attendre, on plonge dans un roman plein de fureur, passionnant et dramatique. Dès que Charles Darnay arrive en France, on ne respire plus jusqu'au mot "fin". Et quelle fin! Mon Dieu, j'en tremble encore. Quel homme ce Sydney Carton! Dickens a une plume d'une poésie rare. Ces dernières pages entre Carton et la jeune fille sont sublimes et ce saut final dans l'esprit de Carton, magnifique!
J'ai aimé les personnages de cette histoire. Tous si bien travaillés qu'ils prennent vie devant nos yeux. Les Defarge, surtout la femme, m'a terrifiée, symbole de l’extrémité dans laquelle est tombé le peuple miséreux de Paris. Les pages sur la folie des parisiens et sur l'ombre de la guillotine sont terribles. Je me suis vue, terrée et apeurée, croisant chaque jour des dizaines de condamnés et craignant d'être la suivante, partagée entre mon soutien au peuple et mon horreur de la Terreur. Les rues pleines de bruits et de haine prennent vie devant nous. On frissonne, on est terrifié, on craint que la lame de la guillotine vienne nous aussi nous raser de près.
Je ne remercierai jamais assez Fashion de m'avoir ainsi donné l'envie de lire Un conte de deux villes. Grâce à elle, plus qu'un moment de lecture, j'ai (re)découvert un auteur sublime et je suis bien décidée à retrouver rapidement ce génie de Dickens.
" Dans la lugubre prison de la Conciergerie, les condamnés du jour attendaient leur destin. Ils étaient cinquante-deux, qui, dans l'après-midi, allaient être emportés vers la mer sans rivage de l'éternité. Déjà, avant même qu'ils ne quittassent leurs cellules, d'autres locataires avaient été désignés pour les remplacer. Déjà avant même que leur sang ne se mêlât au sang répandu la veille, le sang qui, le lendemain, se mêlerait au leur s'apprêtait à couler.
Cinquante-deux êtres allaient mourir, cinquante-deux êtres de toute condition, depuis le fermier-général de soixante-dix ans, dont les richesses n'auraient pu racheter la vie, jusqu'à l'humble couturière de vingt ans que sa pauvreté était impuissante à sauver. Les maux physiques, provoqués par les vices et la négligence des hommes, frappent au hasard dans considération d'âge ni de caste ; il en est de même des terribles désordres moraux et sociaux qu'engendrent les souffrances indicibles, l'oppression intolérable et l'indifférence cruelle."
(Un conte de deux villes (Le marquis de saint Evremont), C. Dickens, Marabout, p297)
2 commentaires:
Elle est terrible, cette Mme Defarge, non? J'adore ce roman, quelle fin!
Je vois qu'on est toutes traumatisées par cette fin. Et j'ai aussi trouvé Dickens très poétique dans ce livre. Il n'est pas l'auteur anglais que je préfère, mais ce livre m'avait retourné le coeur.
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