lundi 4 avril 2011

" ... voici qu'était venu mon amour et mon seigneur, et hélas! j'étais défigurée! "

Sarn

Mary Webb

Livre de poche, 1962.

Sarn est le nom d'un étang, d'une ferme, d'une famille, dans une province reculée de l'Angleterre où les superstitions ancestrales, la sorcellerie ont plus de présence que la réalité des guerres napoléoniennes. A travers l'histoire de Gédéon Sarn, ambitieux et cupide, et de sa sœur, la douce Prue que défigure un bec-de-lièvre, ce roman plein de bruit et de fureur, d'incendies, de poisons, d'enfants abandonnés, est une fable morale où l'ordre triomphe du désordre, où l'amour universel l'emporte sur la passion égoïste.

Sarn reposait dans ma bibliothèque depuis un bout de temps. J'ai entendu parler de ce livre auprès de plusieurs personnes amoureuses des romans classiques anglais. J'ai découvert une ambiance douce, poétique, une plume à la Elizabeth Goudge avec un côté sombre et violent en plus.

Sarn est une réelle belle histoire. On se perd dans la campagne anglaise près du lac obscure de Sarn, on suit Prue à travers la Lande, on retrouve cette ambiance si typiquement anglaise, si envoûtante.

Prue m'a énormément touchée. Cette femme passionnée et passionnante, pas belle, mais attirante, est tout simplement magnifique. Cette" Jane Eyre" campagnarde gagne tout de suite notre coeur pour ne jamais le perdre jusqu'au mot fin. Autre personnage géniallissime, Gédéon, le frère de Prue. Homme sombre, violent, ambitieux, fier, un "Heathcliff" dans l'âme, a quelque chose d'attirant, de touchant. J'ai adoré ce personnage. Il m'a fait autant frémir de peur que pleurer de tendresse : " Peut-être avez-vous surpris une libellule sortant de son fourreau? Elle lutte, elle se débat de telle façon qu'on croirait qu'elle va mourir. J'en ai vu qui, dans leur agonie, faisaient des bonds d'acrobates. Il leur faut passer par là pour être libres; c'est une souffrance comme celle de la mise au monde, très pénible à voir. Chez notre Gédéon, c'était bien pire. Il était assis là, près du bon feu qui faisait briller comme du sang noir la bière renversée sur les dalles, et pendant plus d'une heure il ne dit pas un mot. " (p83). Autour de ces deux personnages principaux évolue Jancis, une belle jeune fille, promise à Gédéon, douce et adorable. Mary Webb aurait pu la faire belle, mais stupide et méchante afin de valoriser Prue, mais non, Jancis est attachante. On aime cet être fragile et tendre. Quant à Kester, le tisserand, je pense que l'on ne peut que tomber amoureuse de cet homme fort, tolérant et doux (Aah! La scène finale! J'en tremble encore ... et celle des libellules!*soupir*. Quel romantisme ... et même pas nian-nian en plus ... juste ce qu'il faut!).

Cette histoire est à la fois d'une douceur magnifique (la belle plume de Mary Webb aidant) et violente et cruelle. Elle est simple et complexe, mystique et réaliste, poétique et humaine, elle est tout, elle est rien.

Rentrer dans Sarn, c'est rentrer dans une bulle. Mary Webb nous offre de véritables peintures, de magnifiques tableaux. La nature est omniprésente. Une plume qui la décrit avec merveille, qui la fait vivre, on sent Sarn, on goûte Sarn. Nous sommes auprès de Prue, la passionnée, la révoltée, la douce, la forte, la fragile dans cette campagne magique et merveilleuse : "Quand la brise vint, les feuilles lapèrent le silence comme fait la langue des petits animaux en buvant. On voyait dans le ciel des nuages semblables à la dentelle qui ornait la rode de mariage de mère, et une lune déclinante aussi verte qu'une jeune feuille de hêtre. Sous l'eau unie étaient une autre lune, un peu moins brillante, d'autres nuages un peu moins dentelés, et l'ombre du clocher, vague et mystérieuse, dont la pointe se tendait vers nous. " (p52/53)

Cette découverte de la plume de Mary Webb fut un pur plaisir. J'y ai retrouvé cet amour de la nature que j'aime tant chez Elizabeth Goudge, ainsi que cette évocation du monde magique, du monde merveilleux rencontrant le monde réel. Je possède La renarde de cette dame à la plume captivante et je compte bien m'y plonger rapidement ... et avec passion.


"Quand, à la barrière, je passai près du buisson d'aubépines, la rosée, jaillissant des pétales, tomba en averse sur ma robe. Tout était si calme que je pouvais entendre les moutons brouter dans la glèbe, à l'autre bout de l'étang, les poissons sauter à la surface, et l'eau clapoter contre les grandes feuilles raides des roseaux.

Vêtue de mes plus beaux effets un jour de semaine, je m'imaginais être une dame. Il ne m'arrivait pas souvent de pouvoir m'échapper, et cela devait m'arriver plus rarement encore par la suite. Aussi étais-je contente que Gédéon voulût bien faire de moi une personne instruite, car, une fois par semaine, je pourrais sortir l'après-midi et le soir. "

(Sarn, Mary Webb, Livre de poche, 1962, p52)
(Source image : precious-bane.com)

5 commentaires:

Suzanne a dit…

Difficile de résister à un si beau commentaire. Je prends note en me croisant les doigts pour le trouver ici.
À très vite.

Lilly a dit…

Une fée me l'a offert... ^^
Je culpabilise d'autant plus de ne pas l'avoir déjà lu !

Titine a dit…

"Sarn" est dans ma PAL depuis au moins an et en lisant ton article je regrette vraiment de l'avoir laissée aussi longtemps. Il a l'air vraiment génial ce roman d'autant plus que j'apprécie également beaucoup Elizabeth Goudge.

Malice a dit…

Roman Lu sublime ;-)

Anonyme a dit…

Je l'ai trouvé chez Emmaüs aujourd'hui :)